"Apprenez vos théories aussi bien que vous
le pouvez puis mettez les de côté quand vous entrez en contact avec le
vivant miracle de l'âme humaine." C.G Jung
Ayant
fermé son site consacré à Dane Rudhyar et sa philosophie, Adèle m'a
confié la sauvegarde de son travail que vous retrouvez donc ici. Bonne
lecture .....
Le Rudhyar Essentiel
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Extrait 3
6.
Révolution et processus cosmique bi-directionnel
Certains
penseurs (Smuts, Whyte, von Bertallanfy, Lazlo par exemple) ont
reconnu que l'univers est une hiérarchie de "touts" qui
évoluent vers des sytèmes d'organisation et des états d'être de
plus en plus complexes et raffinés : atomes, molécules, cellules,
organes, organismes ... Par contre, Rudhyar présente trois points de
divergence avec ces penseurs :
- a) Alors que Smuts et Jung
considéraient la condition humaine actuelle (qu'ils appelaient
Personnalité - personnalité est pris ici au sens de personne
intégrée dans sa totalité, corps et psyché, ego conscient et Soi,
etc ...) comme le sommet ou le produit ultime de l'évolution, le
"tout" le plus "élevé" ou le plus
complexe, le plus raffiné et le plus sensible, Rudhyar croit que
l'humanité est encore "dans le devenir" et répond encore
à un processus d'évolution qui, en temps voulu, transfigurera
l'humanité et l'amènera à réaliser une étape transhumaine.
-
b) Rudhyar ne voit aucune raison logique pour ne pas étendre la
suite évolutive, de façon à y inclure les espèces, les races et
cultures humaines, les planètes, les systèmes solaires, les
galaxies et ainsi de suite. Pour Rudhyar, une société et sa culture
forment un "tout" intégré (un "tout-culture")
qui opère en premier lieu à un niveau psychique (en tant
qu'organisme psychique), par l'intermédiaire de symboles, d'images
et de paradigmes religieux séculaires. Mais il est beaucoup plus
important, pour lui, de considérer la terre comme le corps physique
d'un "tout planétaire", Terra (ou Gaia), qui opère et
évolue aussi aux niveaux psychique, mental et spirituel.
- c)
En contraste avec l'image unidirectionnelle d'évolution qu'ont
présenté, non seulement Darwin ainsi que ses prédécesseurs et ses
successeurs, mais aussi l'Inde ancienne ("J'étais une pierre,
je suis devenu une plante" ... etc), Rudhyar accentue la réalité
d'un processus "bidirectionnel" qui intègre la "descente"
ou involution d'archétypes spirituels (principes, formes et formules
d'organisation) et une "ascension" synchrone ou évolution
(complexification et raffinement progressifs) de substances et de
systèmes matériels à fin d'incorporer ces archétypes. Si Rudhyar
a appelé ce processus bifolié d'involution-évolution : une
évolution bidirectionnelle, c'est parce que les deux mouvements - la
descente involutive d'esprit unitaire et de formes intégratrices et
organisatrices et l'ascension évolutive ou le raffinement progressif
de systèmes matériels - impliquent un processus de différenciation.
On peut le considérer comme n'étant qu'un seul processus selon
lequel un principe d'Unité cède progressivement le pas à un
principe de Multiplicité.
7.
Le défi de la totalité "transfinie" aux "touts"
finis
Le
concept de suite hiérarchique de "tout" fait surgir une
question : peut-on concevoir une fin à cette série ? Y a-t-il un
"tout suprême" au-delà duquel il ne pourrait y avoir rien
de plus grand et aussi une forme de totalité plus minuscule que quoi
que ce soit ? Pour Rudhyar, ce n'est qu'un problème intellectuel et
abstrait parce que l'expérience vivante n'offre aux êtres humains
que des niveaux de totalité : des sphères et des conditions d'être
qui sont, à un certain degré, supérieures (plus inclusives) ou
inférieures (moins inclusives) que celles où fonctionnent les êtres
humains. Seul le "mentat" intellectuel envisage la
possibilité abstraite du plus grand ou du plus petit absolu, aucun
d'eux n'existant dans la réalité. Pour Rudhyar, la réalité est là
où l'on se trouve et elle est inévitablement conditionnée et limitée
par le niveau où l'on opère. La totalité de n'importe que autre
"tout", bien que l'expérience de résonnance d'un "tout"
à la totalité du plus grand "tout" soit encore
conditionnée par le niveau de totalité du premier.
Donc pour
Rudhyar, les êtres humains doivent faire face au défi
d'expérimenter la plénitude ou la complétude de la totalité
d'être au niveau humain, d'essayer de comprendre le sens de la
condition humaine par rapport et en relation aux plus grands "touts"
qu'ils peuvent expérimenter, et de franchir, dans l'évolution
humaine, le pas suivant possible à ce moment-là et non pas de
courir après des fantômes intellectuels qui semblent promettre une
échappatoire au fait d'être un "tout" fini oeuvrant au
niveau humain. 8.
Activité et conscience
Alors
que les psychologies et les philosophies récentes ou actuelles
mettent l'accent sur la conscience comme terrain premier de l'être,
Rudhyar a une approche différente, dans le sens où il considère la
conscience comme indissolublement associée et concomittente à
l'activité. Pour lui, un être vivant est un "tout", un
système organisé d'activité au sein de limites définies et, dans
ce système organisé, l'activité génère la conscience. Chaque
niveau d'organisation, donc de totalité, implique un type
particulier de conscience tout autant que d'activité ; il y a
conscience dans un atome, une planète et une galaxie tout autant que
chez un humain, parce que chacun d'entre eux est un système organisé
d'activité, un "tout" cohérent en évolution. Autrement
dit, la conscience est la face subjective de l'activité, et
l'activité la face objective de la conscience. Tous les "touts"
sont donc à la fois actifs et conscients. L'activité et la
conscience d'un plus grand "tout" englobe et incluent
l'activité et la conscience des "touts" moindres qu'il
contient. Chaque "tout" est simultanément sujet qui
expérimente et objet pour d'autres sujets ; chaque "un"
fait partie de la catégorie des "multiples" pour d'autres
"uns".
9.
Les principes d'unité et de multiplicité
De
l'interaction involution-évolution, conscience-activité,
subjectivité-objectivité, unicité-pluralité, Rudhyar fait
découler deux principes inhérents et co-actifs dans la Totalité :
le principe d'Unité et le principe de Multiplicité. On les appelle
Yin et Yang dans la philosophie chinoise et l'esprit philosophique de
Rudhyar est peut-être plus proche de la métaphysique chinoise que
de l'hindoue, bien qu'il inclue des éléments des deux.
A
cause du principe d'Unité, le mouvement (activité) est rythmique et
cyclique (sous forme d'unités) et l'existence se manifeste dans des
"touts". A cause du principe de Multiplicité, l'existence
se manifeste en multitude de "touts" avec toujours plus
d'expansion et de différenciation. A cause du principe d'Unité, le
processus de différenciation (évolution) s'auto-actualise, c'est à
dire est guidé du dedans, par et vers l'actualisation d'un ensemble
de principes archétypiques inhérents (involutifs).
10.
Le mouvement de la totalité
Comme
le changement constitue l'expérience première de l'homme, la
relation entre les principes d'Unité et de Multiplicité est
dynamique et change sans cesse ; Rudhyar appelle cela le Mouvement de
la Totalité. Comme le Yin et le Yang dans le symbole Taï-Chi, le
principe d'Unité croît tandis que le principe de Multiplicité
décroît et vice-versa. Aucun ne peut dominer totalement l'autre et
contrôler le Mouvement de façon absolue. Chaque principe ne peut
qu'atteindre un maximum, et ensuite, la tendance du Mouvement se
renverse, l'autre principe resurgit et commence à croître, etc ...
D'où, pour Rudhyar, le fait qu'il ne peut y avoir de subjectivité
absolue, de Sujet absolu, "le Un". Pas plus qu'il ne peut y
avoir de multiplicité absolue ; s'il n'y avait pas de principe
d'Unité à l'oeuvre, il ne pourrait y avoir d'unité d'être, mais
seulement une extension infinie, indifférenciée de substance sans
nom ; il ne pourrait y avoir de sujet qui expérimente, parce qu'il
n'y aurait aucun "tout" avec des limites définies, donc
pas d'expériences faute d'expérimentateurs. Quand le principe de
Multiplicité est plus fort que le principe d'Unité, l'être
(activité et conscience) est plus objectif que subjectif ; quand le
principe d'Unité prédomine, l'être est subjectif de manière
prédominante.