La route illuminée
"L'esprit est la réalisation créatrice de chaque instant, l'intégration du commencement et de la fin en une synthèse
dont la naissance et la signification se renouvellent à chaque instant" (Dane Rudhyar)
 
 
"Apprenez vos théories aussi bien que vous le pouvez puis mettez les de côté quand vous entrez en contact avec le vivant miracle de l'âme humaine." C.G Jung

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David BOHM et Krishnamurti
 
 
 
Krishnamurti (à gauche) et David Bohm
 
Au cours de leurs dialogues sur le "temps aboli", Krishnamurti et David Bohm, (éminent physicien et philosophe) ont essayé de chercher et comprendre les "racines" des problèmes psychologiques de l'homme qui, depuis des milliers d'années, est perpétuellement confronté à des conflits sans pouvoir en sortir.


La question est de savoir si l'humanité a fait "fausse route" à cause de son désir de "devenir" autre chose que ce qu'elle est en réalité. Parce que "devenir" engendre une force, une énergie qui est lutte et source de conflit et il s'est créé ainsi une contradiction entre "ce qui est" et "devenir ce qu'il faudrait être".

Dans ce conflit, une notion importante intervient, celle du temps.  Le temps serait alors un facteur de destruction intérieure parce qu'on s'efforce de devenir quelque chose, sans s'en rendre compte. Mais comment cela a-t-il pu se produire ?

L'homme a évolué extérieurement, c'est à dire qu'il a développé ses capacités par un mouvement extérieur. Mais à l'intérieur de lui, c'est à dire psychologiquement, c'est le même mouvement qui a lieu.C'est donc ce mouvement qui crée le temps.
 
Ainsi, s'il n'y a plus de temps, le mouvement cesse. Il serait faux de croire qu'il faut transformer le mouvement extérieur en mouvement intérieur ; "dans l'intériorité véritable, il n'y a ni mouvement extérieur, ni mouvement intérieur. Pour appuyer son idée, il évoque la méditation consciente qui n'est ni "délibérée, ni cultivée, ni préméditée et qui ne soit pas de la part de l'égo une démarche de progrès ni une démarche de négation". Krishnamurti parle d'une méditation comme "d'un état dans lequel  il n'existe plus la plus infime tentative consciente de devenir quoique ce soit, d'atteindre un niveau quelconque".
 
Et pour lui, le cerveau humain, touché par cet état, met fin à tous les problèmes
psychologiques.

L'esprit n'a pas sa source dans le cerveau et "ne procède pas du temps". Le problème est que l'homme est en conflit perpétuel et il faut rechercher le facteur qui pourrait lui en faire prendre conscience.

La pensée est le processus du temps "parce qu'elle se fonde sur l'expérience,
le savoir, la mémoire et le réflexe, qui représentent le temps dans son intégralité".
"Quand on abolit le temps, le savoir ne procède plus de l'expérience". Le fondement de tout, est énergie."

Dès que les hommes ont établi la notion de quelque chose d'intérieur, ils ont voulu absolument le protéger, créant ainsi le processus de séparation.

L'homme vit comme un élément séparé de l'univers et cette séparation a créé autant de centres, qu'il essaye de préserver et reproduire en s'identifiant à quelque chose dans une dimension d'espace et de temps, (nous retrouvons là, me semble-t-il  les symboles d'identification, de préservation et de reproduction propres aux couples planétaires Saturne-Lune, Jupiter-Mercure et Mars-Vénus) dont nous a parlé Dane Rudhyar et dont Krishnamurti conclue que c'est l'ennemi de l'homme en tant que source d'un conflit permanent.

L'homme ne parvient pas à voir autre chose. Même les religions circonscrites à des concepts n'ont pas éveillé en l'homme la manière de faire cesser le conflit qui dure depuis des millénaires.

Lorsque Krishnamurti parle de temps, il ne parle pas du temps qui passe que nous percevons par nos sens extérieurs, mais du temps psychologique, intérieur. Alors que pourrait-il se passer lorsqu'on a aboli ce temps ? Quelque chose de nouveau mais qui ne soit pas "devenir", ni "espoir" quelconque, puisque ces mouvements introduisent le temps.

Il faudrait, selon lui, se défaire du désir, qui est une "forme subtile de vanité". Il ne resterait alors que l'esprit universel et non individuel. Y aurait-il alors encore quelque chose à découvrir en dehors de l'esprit universel ? Y aurait-il de l'énergie vivante qui transcende l'esprit universel qui en fait partie ?

Mais alors, si l'énergie est intelligente, pourquoi a-t-elle laissé l'homme se tromper ?

L'ordre fait partie de l'univers, dans lequel existe aussi le désordre et cela concerne l'homme qui pourtant fait partie du tout.
 
Alors pourquoi ?

L'univers aurait-il une signification plus profonde?

Pour Krishnamurti, c'est tout simple. L'illusion n'existe que s'il y a désir et pensée. Le désir comme la pensée font partie du "moi", qui est le temps. Lorsque le désir et le temps sont totalement abolis, alors il n'y a absolument rien, ce rien c'est l'univers, ce vide qui est empli d'énergie.

Au-delà de cela, il existe peut-être encore quelque chose de plus grand que nous qui est à l'oeuvre et qui transcende la vacuité mais ce n'est pas une substance qui contient de l'énergie donnant une forme stable.

 "La vacuité est énergie et cette vacuité est présente dans le silence ou vice-versa".
Et il existerait quelque chose qui transcende tout cela, difficile à exprimer avec des mots. Il existerait quelque chose de plus grand encore que l'immensité du silence,
de l'énergie et de la vacuité.

Et il n'y aurait rien au-delà car le commencement et la fin de toute chose sont une seule et même chose.

"La vacuité est la mort de l'individuel. L'universel meurt aussi.
Ainsi meurt d'abord l'individuel en se dissolvant dans la vacuité puis vient le tour de
l'universel qui meurt également en retournant au "fondamental" qui ne naît ni ne meurt jamais.

Et cette base fondamentale n'a aucun rapport avec l'homme qui est en train de se détruire tout seul parce que tout ce qu'il fait est contraire à ce "fondamental".

Et l'homme ne veut pas écouter lorsqu'on lui dit qu'il essaye d'arrêter de devenir, parce que l'obstacle est le "je", le "moi".

Krishnamurti et David Baum s'expriment ainsi :

K. : L'obstacle est d'une évidence aveuglante.
D.B. : Quel est cet obstacle ?
K.: Le "je", le "moi"
D.B. : Bien sûr, mais je pensais à un niveau plus profond.
K. : Au plus profond, ce sont toutes les pensées, les attachements profonds - tout cela fait obstacle. Si l'on ne parvient pas à s'en défaire, alors on n'établira aucune relation avec "cela". Mais l'homme refuse de s'en détacher.
D.B. : Oui, je comprends. Ce qu'il désire découle de son mode de pensée.
K. : Ce qu'il veut, c'est un mode de vie confortable, facile, sans aucun souci, et c'est impossible.
D.B. : Impossible sans le détachement.
K. : il doit y avoir un lien. Il faut qu'il existe un certain rapport entre le "fondamental" et tout ceci, entre le "fondamental" et l'homme ordinaire. Sinon quel sens à la vie ?
D.B. : C'est ce que je disais tout à l'heure, sans cette relation...
K. : ...la vie n'a aucun sens.
D.B. : Alors les gens lui en inventent un.
K. : Bien sûr.
D.B. : Même en remontant dans le passé, on constate que les religions ont eu des positions très proches - affirmant que Dieu est le "fondamental" et en préconisant donc de chercher Dieu. Vous savez bien.
K. : Ah, mais çà n'a rien à voir avec Dieu.
D.B. : Non, ce n'est pas dieu mais l'idée est la même. On pourrait dire que Dieu est une manière un peu trop personnalisée d'exprimer cette notion.
K. : Voilà. Il fallait leur donner de l'espoir, de la foi, vous me suivez ?  Leur
promettre une vie un peu plus facile à vivre.
D.B. : Donc, ce que vous vous demandez, à ce stade, c'est comment rendre cette notion perceptible à l'homme ordinaire ? Est-ce bien là votre question ?
K. : Plus ou moins. Ce qui compte, c'est d'amener l'homme à écouter. Vous êtes un homme de science. Vous avez la gentillesse d'écouter parce que nous sommes amis. mais qui va nous prêter attention parmi les autres scientifiques ? J'ai le sentiment que, si nous persévérons, nous parviendrons à un monde merveilleusement ordonné.
D.B. : Oui. Et que ferons nous dans ce monde-là ?
K. : Nous vivrons.
D.B. : Mais je veux dire...- nous avons parlé de créativité.
K. : Oui. A ce moment-là, s'il n'existe plus de conflit, plus de "je", de "moi", quelque chose d'autre se met en oeuvre.
D.B. : Oui, c'est capital de le dire, parce que l'idée de perfection telle que la conçoivent les Chrétiens peut paraître plutôt ennuyeuse, puisqu'on n'a rien à faire.
K. : Il faudra poursuivre notre entretien à un autre moment, car il faut mettre en orbite cette notion.
D.B. : Cela semble impossible.
K. : Nous avons déjà parcouru pas mal de chemin."

Le 2 Avril 1980 - Ojai, Californie

"Une importance suprême donnée à la pensée" :

Il paraît évident que les théories des physiciens n'ont de sens que pour le monde physique. Ces mêmes scientifiques s'efforcent d'être rationnels dans leur recherche de la vérité sur la matière mais pourtant ne le sont pas dans leurs relations quotidiennes. On peut, sans se tromper, dire que les hommes sont irrationnels.

C'est un "facteur commun" entre les hommes, comme la souffrance, parce qu'ils sont conditionnés par l'éducation, l'environnement, les religions.

Dans un récent article (25 septembre 2007), Adèle a rédigé un texte sur  l'actualité de "la théorie des cordes" qui va dans le sens de la question que pose Krishnamurti. Tout comme lui, Lee Smolin se demande s'il ne faut pas changer notre façon de voir !

L'homme s'est trompé lorsqu'il a donné à la pensée une valeur primordiale, car "c'est la seule chose qu'il connaisse". C'est bien évidemment être rationnel que  d'admettre cette irrationalité.

"Le fait est que je suis irrationnel, et pour découvrir le fondamental, je dois être
extrêmement rationnel dans ma vie. C'est tout. L'irrationnel a fait irruption lorsque
la pensée a créé l'idée que je suis distinct de tous les autres".

"La pensée suscite l'irrationnel. Penser est le mouvement de la mémoire qui est
l'expérience, le savoir emmagasinés dans le cerveau".

Que faire alors pour "avoir une vision pénétrante immédiate qui ne procède pas du temps ni de la mémoire, qui n'a pas de cause, qui n'est pas basée sur la récompense ou le châtiment ?"

Nous avons ici la démonstration du système astrologique basé sur le septénaire dont Saturne est le maître du temps. Il n'est donc pas étonnant que ce système  ait la vie dure lorsque nous observons comment fonctionnent et se comportent les humains depuis des siècles et des siècle !

Alors Krishnamurti nous demande ce qui pourrait bien faire changer l'homme "radicalement" ?

Nous savons que la "vision pénétrante totale" n'est possible que si nous avons aboli le temps. Nous savons que la pensée, le Je, le Moi, l'idée de "devenir", nos complexes psychologiques, nos peurs etc, sont "divisions".

Si nous nous sommes libéré de tout cela, nous pouvons faire l'expérience de la vacuité, du silence. Mais si l'égo, le je a disparu, est-ce pour autant le vide ?

Qu'y a-t-il au-delà ?

Le "fondamental" !

La même question revient : comment le découvrir, sans désir, une fois qu'on a compris que tout ce qui est basé sur le savoir, l'expérience, la pensée, ne conduit pas à cette découverte ?

C'est alors que Krishnamurti dit qu'il faut faire "exploser le centre", le faire "voler
complètement en éclats" !  voilà ce qu'il dit :

"Mon cerveau a derrière lui un million d'années d'existence. Il a tout essayé, il a été bouddhiste, hindou, chrétien, musulman, il a connu toutes sortes d'états, mais au tréfond de lui-même, il est resté inchangé. Et voici que quelqu'un vient dire : "regardez ! il existe un terrain fondamental qui est...quelque chose d'inimaginable ! " vais-je retourner à ce que je connais déjà - les religions etc. ? Non, je rejette tout cela parce je me dis que c'est du déjà vu, et en fin de compte ce n'est plus qu'un tas de cendres à mes yeux.....Tout ce que je veux, c'est faire exploser le centre. Vous comprenez? Pour que ce centre n'existe plus. Parce que je me rends compte que ce centre est la racine de tous les maux, de toutes les conclusions névrotiques, de toutes les illusions, de tous les efforts, de tous les malheurs - tout vient de ce noyau.

Après un million d'années, je n'ai pas réussi à m'en débarrasser, il est toujours là..."

Voilà une idée neuve qui nous ouvre une perspective différente, une autre voie, une autre façon de penser.
    
Les physiciens, pourtant intéressés par les lois unitaires de l'Univers, ne sont jamais parvenus à susciter une modification sensible du fonctionnement du cerveau humain. Ils ne sont parvenus qu'à élaborer des théories qu'ils remettent en cause régulièrement ou qu'ils défendent éperdument par idéologie. Bref, tout ceci n'a jamais conduit à améliorer notre société, ou ne serait-ce que temporairement.

Et encore ! cela se passe sur le plan de notre confort et de notre sécurité.

Au contraire, le monde devient de plus en plus technique, exclusif et crée de plus en plus de souffrances.

Ce point de vue nous intéresse, nous, sensibles à  la vision de Rudhyar, puisque nous sommes en recherche de notre propre identité, de notre propre centre, et Krishnamurti vient nous dire qu'il faut le faire exploser puisqu'il est la source de notre limitation et de notre incapacité à découvrir ce "fondamental".

Ces deux démarches sont elles vraiment incompatibles ?

Nous pouvons avancer que nous sommes tous responsables du monde tel qu'il est, même si nous le réprouvons. Nous sommes à la fois porteur d'une mémoire individuelle et collective que d'ailleurs des hommes comme Freud ou Jung et d'autres ont cherché à identifier.

Nous sommes donc responsables d'un monde que nous avons créé nous-mêmes en élaborant des théories, des croyances diverses.

Revenons au problème de la pensée qui est un processus matériel au sein du  cerveau.
Mais pourrait-on dire que la pensée est matière ? et ce processus dans le cerveau  peut-il amener un changement en lui-même ?

La "vision pénétrante" ne peut pas dépendre du processus matériel qu'est la pensée. Sinon elle ne serait qu'un processus matériel supplémentaire. Peut-on dire que le matériel agit sur le non matériel ou a-t-il seulement une relation ? Si l'action de l'un est de l'autre est réciproque, cela les rendrait identiques. Pourtant l'amour n'a aucune relation avec la haine. Ils sont indépendants. Et ni l'un ni l'autre ne peut avoir d'effet l'un sur l'autre.

L'amour n'a pas de cause, la haine en a une.

La vision pénétrante n'a pas de cause, le processus matériel tel que la pensée en a une.

La vision pénétrante peut éliminer certaines causes et aurait donc un effet décisif sur ce qui a une cause.

Donc l'amour est sans cause, la haine a une cause. Ils ne peuvent coexister. Donc y a-t-il une différence entre l'amour et la vision pénétrante, l'amour est-il vision pénétrante ?

La vision pénétrante est un éclair fulgurant.

Aristote pensait que Dieu n'était pas influencé par la matière et que la matière n'agit pas sur lui, mais il agit sur elle.

La vision pénétrante globale, et non partielle, qui n'a pas de cause illumine le cerveau dans son entier qui se met à agir différemment.

C'est l'énergie pure, sans cause, en dehors du temps Ainsi le processus matériel opère dans l'obscurité, dans l'ignorance, dissipé par l'éclair de la vision pénétrante.

A ne pas confondre avec l'éclair de la foudre qui disparaît après être apparu fugitivement. La vision pénétrante, elle, a anéanti l'ignorance. Elle a dissipé le noyau qui est l'égo, contenu dans l'obscurité.

Comment nait alors l'amour, la paix, comment nait une chose dénuée de cause, alors que la vie est causalité ? Nous ne pouvons pas dire que cela existe sinon cela implique une cause. Donc il n'y a pas de comment. C'est une fausse question qui fait basculer dans l'obscurité.

"L'amour n'a pas de cause et ne se cultive pas. Point final".

Alors pourquoi l'amour ne se manifeste-t-il pas naturellement chez tous les êtres humains ?

"Nous avons été rationnels" en admettant que le centre est source d'obscurité et
la pensée fonctionnant dans l'obscurité, il ne peut y avoir d'ordre et la société ne peut changer de cette manière. C'est un fait. Il n'est pas non plus possible de provoquer à volonté la vision pénétrante. Elle ne nécessite ni "volonté" ni "sacrifice".

Krishnamurti et Baum en arrivent à la conclusion que si nous pouvions faire cesser
les conflits en nous, notre corps pourrait subsister au-delà de 150 ans, ce qui d'ailleurs correspond approximativement au cycle de Neptune (164 ans). Ce qui va "totalement" dans le sens du symbolisme de cette planète.

Et que se passe-t-il alors lorsque notre cerveau qui n'a pas évolué pendant des milliers d'années excepté le fait qu'il a accumulé du savoir, se trouve soudain changé par l'effet fulgurant et durable de la vision pénétrante totale ?

Nos deux amis nous suggèrent que de là, "pourrait bien surgir la compassion".

Comment notre vie quotidienne est elle affectée "lorsqu'un être humain a successivement suivi la voie du devenir, puis dépassé ce stade et a connu la vacuité, du silence et de l'énergie, cet être là a presque renoncé à tout et touché à l'essentiel, le "fondamental" ?"

En fait, cet être humain "n'a plus de sensation d'être. Il n'est pas mû par des intérêts égocentriques. Il agit dans l'univers de la vie quotidienne, et on peut juger de son hypocrisie ou de sa sincérité, voir s'il affirme une chose et son contraire l'instant d'après ou s'il vit réellement cette compassion et ne se contente pas de dire qu'il est compatissant"

Nous sommes manifestement ici dans le domaine de Neptune ; vacuité, méditation,compassion en sont les termes adéquats.

Retranscrivons un extrait de leur discours :
"...
Krishnamurti : Cette évacuation du passé, c'est à dire de la colère, de la jalousie,
des croyances, des dogmes, des attachements, etc, est indispensable. Si tout cela n'est pas évacué, s'il en persiste la moindre trace, c'est la voie ouverte à l'illusion, inéluctablement. Le cerveau ou l'esprit doit être totalement exempt de toute illusion, que celle-ci soit l'effet du désir, du besoin de sécurité ou quoi que ce soit d'autre.

David Bohm : D'après vous, cette démarche une fois accomplie, ouvre la porte sur
quelque choses de plus large, de plus profond ?

K : Oui, sinon la vie n'a pas de sens et se résume à un schéma répétitif.

Narayan : Que vouliez-vous dire au juste quand vous avez parlé de l'univers en
méditation ?

K : C'est comme cela que je le ressens, oui.

D.B : Remarquons tout d'abord, si vous le permettez, que l'univers échappe effectivement à la tyrannie de son passé. En fait l'univers crée certaines formes qui sont relativement constantes, de sorte que, si on l'observe superficiellement, on ne remarque que cet aspect-là ce qui donne alors l'impression qu'il est déterminé à partir du passé.

K : en effet, mais il n'est pas gouverné par le passé. Il est créatif ; en mouvement.

D.B. : Et donc ce mouvement c'est l'ordre.

K : en tant que scientifique, souscrireriez-vous à ce point de vue ?

D.B. : En définitive, oui !

K : Sommes nous fous tous les deux ? Posons la question autrement : le temps peut-il réellement prendre fin ? -toute cette conception du temps comme passé - chronologiquement de sorte qu'il n'existe plus du tout de lendemain ? Avoir le sentiment, la certitude psychologique réelle qu'il n'y a pas de lendemain. J'estime que c'est le mode de vie la plus salubre -ce qui ne veut pas dire que je devienne irresponsable ! Ce serait par trop puéril.

D.B. C'est simplement une question de temps physique, qui est une certaine partie de l'ordre naturel.

K : Bien sûr, c'est entendu.

D.B. : La question est ou bien d'avoir la sensation de faire l'expérience du passé et de l'avenir, ou bien d'être délivré de cette sensation.

K : c'est à vous en tant que scientifique, que je demande si l'univers est basé sur le
temps ?

D.B. : je dirais que non, mais voyez-vous, la tendance générale ....

K : Vous dites que non ! C'est tout ce que je demande. Alors, est-ce que le cerveau, qui a évolué au cours du temps peut....

D.B. : a-t-il effectivement évolué au cours du temps ?Il a plutôt été pris dans le filet du temps. Parce que le cerveau fait partie du l'univers, dont nous disons qu'il n'est pas basé sur le temps.

K : Je suis d'accord.

D.B. : c'est la pensée qui a emprisonné le cerveau dans l'écheveau inextricable du temps.
K : Bien. Peut-on démêler cet écheveau, le dénouer, pour que l'univers soit l'esprit ? Vous suivez ? Si l'univers échappe au temps, est-ce que l'esprit, qui est pris dans le filet du temps, peut s'en dégager, et être ainsi l'univers ? Est-ce que vous suivez ma pensée ?

D.B. : Oui

K:  c'est çà l'ordre.

D.B. : L'ordre, c'est çà. Appelleriez-vous cela méditation ?

K : Exactement. C'est ce que j'appellerais la méditation, pas au sens ordinaire, étymologique de "soupeser", etc. mais un état de médiation dénué de la moindre parcelle de passé.

D.B>. : Vous dites que l'esprit se dégage lui même de l'emprise du temps, et qu'il dégage aussi réellement le cerveau de cette emprise du temps?

K : Oui, admettriez-vous cela ?

D.B. : oui

K:  en tant que théorie?

D.B. : oui, comme hypothèse de travail.

K : non je n'en veux pas comme hypothèse

D.B. : qu'entendez-vous par théorie ?

K : une théorie c'est quand quelqu'un vient affirmer que c'est çà la vraie méditation.

D.B. : D'accord

K : Attendez. Quelqu'un vient affirmer qu'on peut vivre de cette façon; que la vie a
un sens extraordinaire, débordant de compassion, etc., et qu'on peut amender immédiatement toutes les actions procédant du monde physique, et ainsi de suite.
Vous, en tant que scientifique, admettriez-vous l'éventualité d'un état comme celui-ci, ou bien taxeriez-vous de loufoque celui qui l'affirme?

D.B. : Non je ne dirais rien de tel. A mon sentiment c'est parfaitement possible; c'est tout à fait compatible avec tout ce que je sais de la nature.

K : Alors tout va bien ! je ne suis donc pas un détraqué loufoque! Bien sûr, lorsque nous plaquons des mots sur tout cela, ce n'est pas la chose elle-même. C'est bien clair, n'est-ce pas? Mais peut-on la communiquer à autrui ? Ce peut-il que certains d'entre nous approchent cette réalité, pour pouvoir la faire partager, véritablement ."


Le 7 Juin 1980, Brockwood Park, Hampshire.



Nous savons que Saturne représente le "connu"que Rudhyar voit comme nos limites et dont Krishnamurti dit qu'il faut se libérer.

Saturne est la structure de tout ce qui évolue dans l'espace-temps, de tous les systèmes, de toutes les théories élaborées par la pensée de l'homme, de tous les dogmes et de tous les intégrismes. Même s'il représente la base solide de tout corps évoluant dans l'espace-temps, il est impliqué dans toutes formes d'individualisme, d'égoïsme.

Saturne est l'histoire qui se répète sans cesse. Seul l'aspect extérieur change.
Nous avons l'impression que l'homme a changé mais au fond, il n'a pas tellement évolué et croire que la société s'améliorera dans un futur proche n'est qu'illusion.

Ceci n'est possible que si l'homme en prend conscience. Nous avons pour habitude d'attribuer le domaine de l'illusion à Neptune. Peut-être alors faisons nous cette erreur de ne pas l'attribuer à Saturne. Ne pourrions nous pas considérer, selon le point de vue de Krishnamurti que Saturne est beaucoup plus trompeur puisqu'il exprime toutes nos certitudes, celles qui nous enferment dans des systèmes répétitifs.

Seul celui qui s'est libéré du passé, des acquis, du savoir, peut atteindre la totalité neptunienne, parce que celui-là a "fait exploser le centre", c'est à dire le couple Saturne-Lune qui constituait une entité séparée.

Rudhyar l'exprime ainsi :

"Neptune déploie une action plus insaisissable et mystérieuse. Il consume, tel un acide concentré les fixations de l'égo. Appel incessant à l'infinitude de l'universel, c'est l'amour empressé, flot inépuisable de compassion, du vaste océan pour la goutte d'eau qui ignore peut-être elle-même qu'elle lui appartient...."

Alors, si nous avons découvert ce véritable état neptunien où il n'y a plus de centre mais une infinité de possibles. La vie se résumerait-elle à un retour cyclique vers le "tout" ? Krishnamurti dit en d'autres termes, non ! la vie a un sens et cette vision ouvre sur bien plus que çà !

Nous vivons dans un monde matérialiste. C'est un fait. La nature, la matière est en mouvement selon un processus d'action-réaction dont la pensée fait partie.

C'est ce qui est appelé l'esprit vitaliste constitué des énergies de Mercure, Vénus et Mars et dont la forme est définie par Lune-Saturne. C'est ce que nous connaissons depuis des milliers d'années.

Dans leur dialogue intelligent, Krishnamurti et Bohm ont établi qu'au-delà de ce processus matériel il y a la "vacuité" et que la vie réduite au processus matériel n'a aucun intérêt ni aucun sens et se demandent comment l'esprit peut "dépasser ce domaine" à condition que la vacuité ne soit pas une fuite devant les problèmes psychologiques suscitée par la pensée. La vacuité réside-t-elle dans l'esprit  lui-même, l'esprit étant un 'tout (émotions, pensée, conscience, cerveau, ensemble du processus matériel)".

Cette vacuité, en dehors de l'esprit, ne contient "ni forme, ni structure, ni réaction, ni stabilité, ni capacité. Dans cette vacuité, il y a mouvement d'énergie intemporelle".

Nous sommes bien dans le domaine de Neptune.

"Existe-t-il alors un mouvement qui ne soit pas un mouvement, sans commencement ni fin, contrairement à la pensée ? Soyons clairs, les cycles que nous utilisons en astrologie ont un commencement et une fin, à chaque nouvelle lune symbolique pour tous les mouvements planétaires et chaque nouveau cycle est porteur de l'énergie de l'ancien cycle, ce qui rend nos histoires personnelles et collectives répétitives, même si elles prennent des formes différentes nous donnant l'impression qu'elles ont changé.

Pour Krishnamurti, ce mouvement qui n'en est pas un est "actif et non statique", porteur d'une "énergie prodigieuse", un "mouvement issu de l'immobilité". La création n'a rien à voir avec ce que font les poètes, peintre, etc, qui ne font qu'exprimer une aptitude particulière issue du savoir. La création dont il est question ici ne "s'exprime pas par une forme".

Quelle peut être peut être l'incidence de tout cela sur la vie quotidienne ? "Dans la mesure où l'esprit est silencieux, la pensée est ordonnée. Quel rapport entre l'esprit et l'univers ? L'esprit "est absolu, sans limitations, sans dépendances, sans relations, c'est un mouvement éternellement nouveau" La conséquence de celà ? "l'univers est en ordre, destructeur ou constructif, c'est toujours de l'ordre".
 
Neptune nous paraît alors bien amplement suffisant pour notre système d'interprétations et recherches astrologiques lorsqu'on constate à quel point nos systèmes saturniens nous posent problème.

Il paraît clair que nous ne pourrons connaître le véritable état neptunien que lorsque nous aurons fait éclater Saturne et que nous nous serons libérés de "tous notre savoir psychologique"

Dès lors que Pluton a été déclassé du statut de planète, ce qui est loin d'être illogique, nous pousse à nous demander si cela ne va pas causer une profonde perturbation parmi les astrologues. En effet, Neptune prend tout à coup une très grande importance et nous nous rendons vraiment compte de toute la difficulté à l'intégrer. Ceci implique toute notre responsabilité et il serait peut-être trop facile de faire porter le chapeau à Pluton.

Pendant que nous nous occupons de Pluton, nous ignorons Neptune. Nous avons cette impression qu'on a trop tendance à projeter sur Pluton tous nos travers et à le rendre responsable de toutes les catastrophes mondiales, un peu comme si nous étions impuissants devant sa force. Avant Rudhyar, il y avait Saturne, qui faisait peur à tout le monde, le symbole de mort etc. Puis est venu Pluton, agissant sur le plan collectif.

C'est quand même étonnant que Neptune évoque la plupart du temps l'illusion, le rêve etc, alors qu'on devrait se concentrer sur son symbole d'unité, d'infini, de totalité, de toutes les complémentarités.

Adèle a raison de dire que Pluton est le "passeur" vers d'autres totalités, d'autres expériences qu'on ne peut même pas imaginer tant elles sont infinies et dont les systèmes solaires et les galaxies en sont les symboles. (toutes ces formes de galaxies d'une grande variété qui sont découvertes sans cesse en sont la preuve).

Pluton ne semble rien à voir dans ce que vit l'humanité.

Alors, le livre de Rudhyar qui est peut-être le plus important est celui des "complexes psychologiques" puisqu'il est parvenu à les définir, (les complexes), à travers les couples planétaires, étayant ainsi une base de travail solide pour aller sur le chemin de Neptune. Krishnamurti insiste toujours sur la nécessité de se libérer du connu symbolisé par notre identité saturne-Lune, cercle fermé de nos connaissances. L'éveil de l'intelligence, comme il dit se fait probablement par Uranus qui permet de dépasser tous nos complexes, de les intégrer de les identifier etc. Puis la route se termine (momentanément en tous cas) en Neptune qui les unit, qui dissout toutes les tensions et même le centre puisqu'il n'y a plus de centres.

Si on enlève Pluton, notre responsabilité est encore plus forte et ceci provoque forcément des peurs parce qu'on ne peut plus accuser une force extérieure qui serait en quelque sorte responsable de nos malheurs personnels et collectifs. L'humanité a toujours fonctionné comme çà, à chercher un responsable, un bouc émissaire.

Et même si on prétend le contraire, on est peut-être inconsciemment lié à ce concept et on le perpétue.

Pluton a été découvert en 30, période de la découverte de la force atomique. Beaucoup de choses ont été écrites là-dessus. Et l'on peut se demander justement si l'homme, en se faisant une telle peur devant la puissance destructrice qu'il possédait, n'avait pas attribué çà à Pluton (du moins les astrologues), une façon de ne pas se sentir concerné.

Il est sûrement plus facile d'aller ergoter sur les mystères de Pluton que d'essayer de comprendre nos blocages saturniens.

    Notons que cette réflexion s'est produite à la lecture du livre "Le temps aboli" aux éditions du rocher, et surtout....pendant la période de l'opposition de Saturne et Neptune.

 Jacques