"Apprenez vos théories aussi bien que vous
le pouvez puis mettez les de côté quand vous entrez en contact avec le
vivant miracle de l'âme humaine." C.G Jung
Dans
"Face à la Vie", aux éditions Adyar, j'ai découvert une réflexion de
Krishnamurti, qu'il est intéressant de mettre en parallèle avec les
recherches de Jung sur l'inconscient.
En cherchant à provoquer un développement total de l'être humain, nous
devons, évidemment, prendre en considération le monde inconscient aussi
bien que le monde conscient.
"N'éduquer que la conscience de surface sans tenir compte de
l'inconscient provoque des contradictions intérieures dans les vies
humaines, avec toutes leurs frustrations et leurs misères.
La conscience cachée est plus vitalement importante que la
superficielle. La plupart des éducateurs se contentent de donner des
informations ou des connaissances au niveau superficiel de la
conscience, afin que l'élève puisse exercer un métier et s'adapter à la
société. Ainsi les couches cachées ne sont jamais touchées :
tout ce que fait cette soi-disant éducation est de leur superposer une
couche de connaissances et de techniques et une certaine capacité à
s'adapter au milieu.
La conscience cachée est beaucoup plus importante que celle
superficielle, quelque bien éduquée qu'elle soit et capable
d'adaptation; et elle n'est rien de très mystérieux.
L'inconscient, ce qui se cache dans les esprits, est le réceptacle des
mémoires raciales. Les religions, les superstitions, les symboles, les
curieuses traditions particulières à chaque race, les influences des
littératures sacrées et profanes, les aspirations, les frustrations,
les manières de se comporter, les variétés de l'alimentation, tout cela
est enraciné dans l'inconscient.
Les
désirs secrets et apparents avec leurs motifs, leurs espoirs, leurs
craintes, leurs souffrances, leurs plaisirs, et les croyances
qu'alimente de différentes façons le profond désir de sécurité, tout
cela aussi est contenu dans l'inconscient, lequel n'a pas seulement
cette extraordinaire capacité de contenir le passé résiduaire mais
aussi celle d'influencer le futur. La conscience superficielle reçoit
des émissions de l'inconscient dans des rêves ou de quelque autre
façon, lorsqu'elle n'est pas totalement absorbée par les évènements
quotidiens.
Le monde caché de la conscience n'a rien de sacré et rien qui puisse
faire peur, ni faut-il un spécialiste pour l'exposer à la conscience
superficielle. Mais parce qu'il a une énorme puissance, la conscience
consciente ne peut pas le traiter comme elle voudrait le faire. Elle
est en grande partie impuissante par rapport à lui. Quelque effort
qu'elle fasse pour le dominer, le façonner, le diriger pour satisfaire
ses besoins sociaux et l'utiliser dans ses poursuites du moment, elle
ne peut qu'érafler sa surface, de sorte qu'il se produit une
scission ou contradiction entre les deux. On essaye de jeter un pont
sur cet abîme au moyen de disciplines, de pratiques variées, de
sanctions, etc... Mais on ne peut pas y parvenir.
L'esprit conscient est occupé par l'immédiat, le présent limité, tandis
que l'inconscient est sous le poids des siècles et ne peut être ni
endigué ni détourné pour des nécessités immédiates. L'inconscient a la
qualité du Temps profond et le conscient, avec sa culture récente, ne
peut pas le plier à ses exigences du moment. Pour déraciner cette
contradiction intérieure, l'intelligence de surface doit comprendre en
silence cette impossibilité - ce qui ne veut pas dire laisser toute
liberté de se manifester aux innombrables désirs cachés.
Lorsqu'il n'y a pas de résistance entre l'apparent et le caché,
celui-ci, ayant la patience du Temps, ne violera pas l'immédiat.
La conscience cachée, inexplorée, incomprise, prend contact avec les
provocations et les exigences du présent immédiat, par l'entremise de
sa partie superficielle qui a été "éduquée". Celle-ci peut répondre
d'une façon adéquate à ce défi, mais à cause de la contradiction qui
existe entre elle et l'inconscient, toute nouvelle expérience qu'elle
peut vivre ne fait qu'intensifier leur conflit. Ce conflit donne lieu à
d'autres expériences, lesquelles élargissent encore l'abîme entre le
présent et le passé. Les expériences vécues en surface sans comprendre
les couches internes de la conscience ne peuvent que produire des
conflits de plus en plus profonds et étendus.
L'expérience ne libère pas et n'enrichit pas l'esprit ainsi qu'on le
pense en général. Tant qu'elle donne de la vigueur à celui qui vit
l'expérience, il doit y avoir un conflit. En ayant des expériences, un
esprit conditionné ne fait que renforcer son conditionnement et
perpétue ainsi sa contradiction et sa misère. Ce n'est que pour
l'esprit capable de comprendre en totalité son mode d'être que
l'expérience vécue peut être un facteur de libération.
Lorsque l'on perçoit et que l'on comprend la puissance et les capacités
des nombreuses couches cachées de la conscience,
les détails peuvent être envisagés avec sagesse et intelligence.
L'important est de comprendre ces profondeurs et non d'instruire la
surface bien que cela soit nécessaire aussi ; Cette compréhension
libère l'esprit de tout conflit, et alors seulement on agit avec
intelligence.
Nous devons éveiller la pleine capacité de l'esprit dans ces couches
superficielles actives au cours de la vie quotidienne et aussi
comprendre ses couches cachées. Il se produit alors une plénitude de
vie en laquelle la contradiction avec ses alternances de souffrances et
de douleurs, n'existe plus. Il est essentiel de connaître la partie
cachée de la conscience et de percevoir son activité, mais il est
également important de ne pas s'y absorber et de ne pas lui accorder
une valeur excessive. Ce n'est que lorsque l'esprit se connaît en
surface et en profondeur qu'il peut transcender ses propres limitations
et découvrir une félicité qui n'appartient pas au Temps"