"Apprenez vos théories aussi bien que vous
le pouvez puis mettez les de côté quand vous entrez en contact avec le
vivant miracle de l'âme humaine." C.G Jung
Ayant
fermé son site consacré à Dane Rudhyar et sa philosophie, Adèle m'a
confié la sauvegarde de son travail que vous retrouvez donc ici. Bonne lecture .....
Le Rudhyar Essentiel -
Extrait 1
Les concepts de la
philosophie de Rudhyar ne font directement l'objet d'aucun de ses
livres, même s'ils sous-tendent toute son oeuvre. A l'attention des
amateurs, sa dernière femme, Leyla Rudhyar-Hill, avait résumé sa
philosophie et ses fameux concepts dans un petit manuel indispensable :
"Le Rudhyar Essentiel", publié aux Editions L'or du Temps en 1985, qui
est maintenant en rupture de stock. Il n'a pas été republié sous sa
forme papier. Quant à la version française, traduite par Marief
Ruperti-Cavaignac, elle est maintenant quasiment introuvable … En voici
donc une retranscription à l’usage des amateurs !
Comment ? Quelques éléments
biographiques
Dane Rudhyar est né à̀
Paris le 23 mars 1895, dans une famille de
classe moyenne, d'origine celte et normande. Sa jeunesse fut assombrie
par la maladie (qui le conduisit, en 1908, à l'ablation d'un rein et de
la glande surrénale, opération critique) ainsi que par la mort subite
et prématurée de son père en 1911. La période de convalescence qui
suivit l'opération permit à son esprit et à son imagination naissante
de se développer dans le calme de la solitude. A 16 ans, peu après la
mort de son père, il eut l'intuition de la nature cyclique de toute
existence, des organismes naturels et surtout des cultures et de leurs
manifestations artistiques. Il sentait que la culture européenne était
en train de passer par la phase automnale de son cycle et que la
musique de Debussy représentait tout particulièrement la beauté
poignante, mais éphémère et décadente, de cette phase. L'éclatement de
la première guerre mondiale fut pour lui un "orage d'équinoxe" qui
confirmait son intuition. Pour Rudhyar, toute personne qui vit cette
époque-ci, est confrontée à un choix fondamental. Symboliquement, elle
peut s'identifier soit au "domaine des feuilles" - glorieuses mais
bientôt en décomposition avec la fin du cycle - soit avec les semences
imperceptibles qui détiennent la promesse de vie nouvelle de son
espèce, en condensant en soi la "moisson" de sa culture natale en train
de mourir, se séparer de cette culture et devenir autonome mais ouvert
à une "mutation" fondamentale et oeuvrer à construire les fondations
symboliques et conceptuelles d'un nouveau cycle culturel lorsque le
temps sera venu. Rudhyar choisit "l'état de semence".
Dès qu'il eut 21 ans, en 1916, il quitta Paris et rompit aussi
complètement que possible avec sa culture française, sa langue, sa
famille, son conditionnement mental et son nom (Daniel Chenevières) et
partit pour l'Amérique. Il s'identifiait à "une graine portée par la
tempête au-delà de l'Océan ... pour germer dans le sol vierge et
fertile d'un 'Nouveau Monde' ". En prenant conscience de la nature
symbolique de ses intuitions et de ses actes, il réalisa aussi la
signification des symboles : loin d'être irréels, ils constituent la
réalité-racine qui affecte la mentalité et le comportement des êtres
humains.
Entre les années 1920 et 1930, il essaya de promouvoir en Amérique
l'idée d'une "nouvelle civilisation américaine" qui n'eut aucun écho.
Les "vents" de l'opinion soufflaient contre la "semence" : il n'y avait
que la Civilisation occidentale, aboutissement de la longue marche
linéaire du "Progrès" qui avait commencé avec les "Barbares". Le
"Nouveau Monde" semblait n'offrir qu'un sol rocheux, inhospitalier.
Mais la semence non plus n'était pas prête. Elle contenait certaines
facultés innées qui ne pourraient être utilisées constructivement que
lorsque leur fonction et leur champ d'action seraient devenus clairs.
Rudhyar devait passer par des périodes de développement intérieur, de
dures mises à l'épreuve et de maturation. Il pouvait utiliser
constructivement des expériences ambivalentes, mais ce n'était bien sûr
pas nécessaire. Il fallait aussi qu'il trouvât une relation avec le
nouveau terrain, l'Amérique : une façon de faire sa marque, de devenir
connu. La voie première fut la musique. Rudhyar arriva en Amérique en
tant que compositeur de musique pour piano et orchestre et en tant que
rédacteur de livres et d'articles sur la musique. Il écrivit sur la
musique et les musiciens contemporains qu'il connaissait et aussi sur
la musique orientale qui était alors totalement inconnue et pas du tout
appréciée en Occident.
Plus tard, quand ses tentatives musicales devinrent vaines, du fait de
la grande dépression du mouvement néo-classique et de la seconde guerre
mondiale, le domaine de l'astrologie s'avéra la voie de contact avec la
conscience américaine. Mais, quels que soient les moyens, astrologie ou
musique, ce que Rudhyar avait à apporter ne pouvait être expliqué et
compris que sur la base d'une nouvelle perspective philosophique qui
n'arriva à pleine maturité qu'après de nombreuses années. Cela démarra
en 1917 avec l'étude quotidienne de livres à la Bibliothèque publique
de New York.
Color
Harmony - Dane Rudhyar - 1947
Entre 1917 et 1928, Rudhyar approfondit l'étude de philosophies
occultes et orientales diverses (il met toujours l'accent sur le fait
que la philosophie hindoue en particulier n'est pas monolithique, le
subcontinent des Indes ayant produit de nombreuses formes
philosophiques, les unes presque totalement matérialistes, d'autres
centrées presque entièremement sur des réalités transcendantes). Ses
études confirmèrent son intuition première sur l'importance et
l'universalité des cycles.
"La doctrine secrète" de H.P. Blavastky en particulier jeta la base de
nombre de ses développements philosophiques ultérieurs. Mais Rudhyar
n'étudiait pas la théosophie et les les philosophies orientales pour le
plaisir d'emmagasiner une masse de données scolaires ou
"d'informations" intéressantes. Par ses études il essayait consciemment
de développer une nouvelle forme de "mentat", apte à traiter les
principes universels, spirituels et métaphysiques, ainsi que les
processus cycliques. Il en vient, en fin de compte, à sentir que son
"dharma" (sa destinée ou vérité d'être) devait consister à reformuler
les anciens concepts traditonnels, métaphysiques et occultes, en termes
qui seraient compréhensibles par cette forme de "mentat" qu'il appelle
le "clair-penser" (l'expérience directe des idées) et nourriraient son
développement.
Pourtant, alors qu'il avait étudié un grand nombre de livres et
rencontré une série impressionnante de personnalités connues, il
demeurait isolé, en marge de la pensée académique officielle. Entre
1933 et 1968, son travail de reformulation de l'astrologie dans une
voie humaniste et transpersonnelle, constitua son contact principal,
pas tant avec sa propre génération qu'avec celles qui suivaient. On ne
peut cependant comprendre pleinement son oeuvre astrologique que si on
la voit dans le contexte de la philosophie et de la métaphysique de
base qu'il a exposées dans "La planétarisation de la conscience" (1970)
et "Le rythme de la Totalité" (1982) et aussi, de façon plus partielle
mais spécifique, dans "Art as Release for Power" (1929) jusqu'a
"Préparations Spirituelles pour un Nouvel Age" (1974), "Culture, Crisis
and Creativity" (1976) et "Un Nouvel Homme pour un Nouvel Age" (1977),
dont aucun ne se rapporte à l'astrologie.