La route illuminée
"L'esprit est la réalisation créatrice de chaque instant, l'intégration du commencement et de la fin en une synthèse
dont la naissance et la signification se renouvellent à chaque instant" (Dane Rudhyar)
 
 
"Apprenez vos théories aussi bien que vous le pouvez puis mettez les de côté quand vous entrez en contact avec le vivant miracle de l'âme humaine." C.G Jung

   Accueil      Le blog de Mike Brown traduit



Ayant fermé son site consacré à Dane Rudhyar et sa philosophie, Adèle m'a confié la sauvegarde de son travail que vous retrouvez donc ici. Bonne lecture .....

Traductions par Adèle de textes de l'astronome Mike Brown qui s'était largement exprimé suite au changement de statut de la planète Pluton de notre système solaire.



Le statut astronomique des planètes

Le 24 août dernier, l’UAI (Union Astronomique Internationale), réunie à Prague, a proposé une nouvelle définition à la notion de planète, après un an de délibérations et de recherches en symposiums entre astronomes dans le monde entier. Cette réflexion est née de la découverte, par l’équipe du Dr Brown - découvreur entre autres de Sedna il y a deux ans - de 2003UB313 l’année dernière, dans la ceinture de Kuiper, aux côtés de Pluton. Tant d’ « objets » tout à coup, nécessitaient bien sûr un nouveau type de réflexion par rapport au système solaire et à son fonctionnement, à son "agencement".


Je me propose de vous traduire aujourd’hui le texte que le Dr Brown a entré dans son site http://www.gps.caltech.edu/~mbrown/eightplanets/à la suite de cette décision, texte dans lequel il donne son sentiment sur le fait que la jusque-là 9ème planète du système solaire, Pluton, venait de perdre son statut de planète, pour entrer dans un autre « club », celui des planètes « naines », celles qui ne répondent pas au troisième des critères qui définissent maintenant la notion de planète.

LES HUIT PLANETES

Le 24 août 2006 il a été donné au mot planète sa première définition scientifique, par un vote de l’Union Astronomique Internationale. Quelques cartons jaunes levés au sein de cette assemblée, ont enlevé à Pluton son statut de planète et l’ont rétrogradée au statut de "planète naine". L’objet 2003UB313, qu’on appelle parfois Xena, parfois la 10ème planète, mais qui n'a pas encore reçu de nom officiel par l'UAI, et qui a d’ailleurs précipité le débat final, devient la plus grande des planètes naines. A moins que les astronomes reprennent le débat à un moment donné dans le futur, il y n’y a plus aucune chance pour qu’il y ait maintenant plus de 8 planètes dans le système solaire.


Quel est le problème des 9 (avec Pluton) ou 10 planètes (avec 2003UB313) ?

Pluton et 2003UB313 sont significativement plus petites que les autres planètes. Si vous aviez à classifier les objets évoluant dans le système solaire, sans aucune idée préconçue, avec un regard complètement neuf sur le sujet et les catégories dont il est fait, vous ne pourriez arriver qu’à une seule conclusion : les planètes géantes – Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune – appartiennent à une catégorie, celle des planètes essentielles ; les quatre planètes terrestres - Mercure, Vénus, la Terre et Mars – appartiennent à une autre catégorie, et ainsi de suite pour tous les autres objets, que l’on peut classer chaque fois dans une catégorie différente. Par exemple, vous ne mettriez certainement pas Cérès, le plus gros des astéroïdes, dans la catégorie des planètes, vous le mettriez avec les autres astéroïdes. De même, vous ne regrouperiez pas certainement tous les objets qui gravitent au-delà de Neptune dans une autre classification que celle des objets gravitant dans la ceinture de Kuiper. Les neuf (ou dix) « planètes » que l’on comptait précédemment, appartenaient à des groupes différents, celui des planètes géantes, celui des planètes terrestres ainsi que celui des objets de la ceinture de Kuiper, pour ne prendre que deux des plus gros objets qui y gravitent. Et il est donc vrai qu’utiliser le terme de planète dans ce cas n’a strictement aucun sens, scientifiquement parlant.


Deux solutions pour régler le problème de Pluton et de 2003UB313 :

- Ne faire l’impasse d’aucun petit morceau de glace

Les astronomes ont deux options pour définir une planète. La première étant de conserver l’idée que ce qui fait qu’une planète est une planète, c’est qu’elle est grande, ronde, et en orbite autour d’une étoile. D’ignorer tout ce qu’on peut savoir d’autre et de se concentrer uniquement là-dessus.

. Pourquoi ronde ? Parce que si on place un bloc de pierre dans l’espace, a priori, il va rester comme il est, aussi irrégulière que soit sa forme. Si quelques autres morceaux de pierre viennent s'y ajouter, sa forme restera toujours irrégulière ; mais si beaucoup d’autres morceaux de pierre viennent s'y ajouter, au bout d’un moment, à force de tourner autour d’une étoile, sa forme s’arrondira. Et la transition d’objet à forme irrégulière à un objet à forme ronde est très importante dans le système solaire : c’est grâce à elle que l’on peut dire si un objet a vécu, ou non, des processus géologiques et planétaires significatifs (il y a bien sûr beaucoup d’autres transitions d’importance égale à prendre en compte, mais elles ont apparemment été mises de côté par les personnes qui viennent de redéfinir la notion de planète … ce qui n'est pas très grave parce que les seuls paramètres pris en compte suffisent à poser une définition).

. Bien entendu, pour ne parler QUE de ce qu’est un objet planétaire, et se concentrer uniquement sur lui, il faut aussi mettre de côté le fait qu’il puisse tourner autour d’un autre objet planétaire, tout simplement parce qu’on ne peut pas considérer qu’une boule de glace de 400kms, même si elle a une géologique intéressante, puisse entrer dans la même catégorie qu’une autre boule de glace de 5000kms comme Titan par exemple, qui a une atmosphère massive, des lacs de méthane, qui orbite autour d’une planète, quel que soit le nom qu’on lui donne, satellite ou autre. Pour la plupart des gens, dire d’un satellite, même s’il est rond comme notre Lune, que c’est une planète, c’est violer la notion de planète.

. L’autre difficulté, c’est qu’avec ce type de définition basé sur le fait qu’un objet doit être rond pour qu’on l’appelle une planète, on peut se retrouver du jour au lendemain avec 50 planètes dans le système solaire, et pourquoi pas des centaines dans un futur proche, au fur et à mesure des découvertes des astronomes. Un tel changement du nombre de planètes est un enjeu quasiment ingérable si on souhaite donner une vraie définition au mot planète. Il y a aussi qu’on pourrait ensuite dire qu’un objet n’aurait même pas besoin d’être rond pour être nommé planète, et puis de toutes façons la plupart des astronomes ne pourraient même plus se mettre d’accord pour savoir quels paramètres de transition utiliser pour dire que ceci est un caillou, tandis que cela est une planète …

C’est donc pourquoi une redéfinition « radicale » de la notion de planète vient d’être proposée par l’UAI, tout en rencontrant d’énormes oppositions. En tout cas, le résultat c’est déjà qu’on ne définira pas une planète en se basant sur le seul critère que ce serait un objet rond du système solaire.


- Prendre les circonstances en compte


L’autre définition scientifique qui a du sens, c’est celle qui reconnaît que tout système de classification doit intégrer la notion de « circonstances ». En l’occurrence : où se trouve l’objet, quels sont les autres objets qui orbitent dans le même secteur, même si ces objets sont des satellites. Dans ce cas les 8 planètes actuellement retenues entrent dans une catégorie qui leur est propre : elles sont des masses dominantes dans leur secteur de l’espace, elles ont nettoyé leur voisinage de toute autre masse significative, et elles ont intégré dans leur propre masse tout ce qui pouvait se situer autour d’elles sur leur orbite. Il se trouve par ailleurs que ce genre de définition ne serait pas valable pour d’autres systèmes plus jeunes, par contre pour le système solaire, elle l’est, parce que depuis le temps qu’il existe, les gros objets - ou planètes - ont largement eu le temps d’y intégrer tout ce qui se trouvait sur leur route.

Un des meilleurs moyens d’envisager cette définition, c’est de prendre en compte différentes régions de l’espace. La ceinture d’astéroïdes, par exemple, est une collection de petits corps rocheux située entre Mars et Jupiter et qui a plusieurs millions de membres. Le plus grand de ces astéroïdes, Cérès, n’a pas de masse assez forte pour commencer à assimiler d’autres astéroïdes, ni même pour les repousser hors du système solaire. En fait, il n’y a pas de masse dominante dans la ceinture d’astéroïdes. Et on pourrait dire la même chose de Pluton et de 2003UB313 (qui ont sensiblement la même taille) dans la ceinture de Kuiper, qui compte elle aussi des millions d’objets. Leur taille ne les rend pas dominants dans leur secteur, parce que leur masse n'attire pas d'autres objets à elles.

Par contre, les 8 planètes retenues par l’UAI passent le test de cette définition avec aisance, elles ont toutes intégré à leur masse tout ce qui se trouvait dans leur voisinage, elles sont les corps dominants de leur propre région de l’espace.


C’est donc cette vision des choses qui a été adoptée par l'UAI. Sans doute aussi à cause du processus assez chaotique qui a eu lieu entre astronomes, avant qu’ils n’arrivent à prendre leur décision, cette définition n’est pas aussi aboutie qu’elle pourrait l’être, parce qu’elle laisse encore place à la discussion sur tel ou tel point. Ce qu’il faut retenir, cependant, c’est que la différence qui existe entre les 8 planètes retenues et le reste des objets gravitant dans le système solaire est tellement énorme, que toute autre définition, peut-être plus détaillée, n’y changerait pas grand chose. Si par exemple vous tracez une ligne au milieu de l’Atlantique pour marquer la différence entre l’Amérique du Nord et l’Europe, vous faites le truc le plus imprécis possible en matière de définition. Ce que je veux dire c’est que même si la définition que vient de donner l’UAI est effectivement discutable, par contre le « concept » qu’elle recouvre est lui solide comme le roc, et il ne laisse place à aucun doute sur les objets qui appartiennent à la catégorie « planète » et sur tous les autres …

Crédit de l'image (en date du 28 août 2006) :Nasa

 

Questions soulevées par les astronomes

Quelques-unes des questions soulevées par les astronomes au cours de cette année de réflexion ayant abouti à la redéfinition de la notion de planète. Et les réponses qu'y apporte le Dr Brown.


-    Qu’en est-il du fait que l’orbite de Pluton croise celle de Neptune ?

Il est faux de dire que Pluton serait automatiquement disqualifiée en tant que planète, tout simplement parce que son orbite croise celle de Neptune. Pluton a été disqualifiée parce qu’elle se trouve dans la ceinture Kuiper et qu’elle n’a pas intégré la plupart des astéroïdes qui y gravitent avec elle et parce qu’elle n’est pas non plus dominante dans cette ceinture. Pluton est seulement une astéroïde parmi une multitude d'autres astéroïdes. Il est donc juste de la classifier comme elle vient de l’être.

Le fait que l’orbite de Pluton croise celle de Neptune veut dire cependant que c’est Neptune qui n’a pas encore nettoyé et intégré tout son voisinage. Pourquoi ceci n’a pas été pris en compte dans la décision finale de l’UAI ? Parce que comme je vous le disais précédemment, cette décision finale a été prise hâtivement, et qu’elle n’a pas intégré TOUS les facteurs de discussion qui étaient en cours. Par contre, et je le répète : le CONCEPT de planète, lui, est solide et à 100% indiscutable. Il est fiable. Il est plus important qu’une éventuelle relecture tardive de la nouvelle définition de planète.

La masse de Neptune est 8000 fois plus grande que celle de Pluton, et c’est elle qui domine entièrement la région de la ceinture de Kuiper où se trouve Pluton. D’ailleurs la plus grande quantité de ce qui se trouve dans la ceinture de Kuiper y a été accumulé par Neptune, mais seule une petite partie de cette ceinture, et justement celle qu’on appelle « les Plutinos » accompagne Neptune depuis sa formation. On sait maintenant que Neptune s’est formée plus près du Soleil, et que dans son mouvement vers l’extrémité du système solaire, elle a toujours été accompagnée par ces Plutinos qu’elle a contraints à orbiter un peu plus loin qu’elle (en proportion de 2 à 3 par rapport à la distance au Soleil). Pluton est le plus grand de ces Plutinos, mais ils n’existent encore que parce que Neptune est leur planète dominante.

Après on peut toujours discuter sur le fait de savoir pourquoi Neptune n’a pas intégré Pluton, si on veut, ça n’a pas grande importance en termes de définition de planète. Le fait que Neptune domine complètement Pluton est la meilleure démonstration possible à apporter au fait que le CONCEPT adopté par l’UAI est excellent et solide.


- Qu’en est-il de Jupiter et des astéroïdes Troyens ?

On sait que Jupiter (et maintenant aussi Neptune) ont des astéroïdes dans leur orbite, sauf 60° en avant d’eux et 60° en arrière. Ces deux points s’appellent les points Lagrange. Il se trouve que la masse de Jupiter excède de plusieurs millions celle de ces Troyens. Comme pour Pluton et les Plutinos par Neptune, ces Troyens sont capturés par Jupiter et ne se trouvent où ils sont que parce que Jupiter domine leur mouvement. Jupiter est tellement puissant dans cette région de l’espace qu’il a même empêché la ceinture d’astéroïdes de s’accumuler pour former une planète.


- Qu’en est-il des astéroïdes proches de la Terre ?

Il y a des astéroïdes et des comètes dans tout le système solaire, mais qui ne restent pas comme les autres, soit dans la ceinture d’astéroïdes, soit dans la ceinture de Kuiper. Certains d’entre eux par exemple, sont proches de la Terre. Mais ce n’est pas parce qu’ils sont là que pour autant, on ne peut pas définir la notion de planète. Le concept de dominance fait toujours loi en l’occurrence, ainsi que celui de « nettoyage » du voisinage des planètes. Tous les autres corps célestes non planétaires qui flottent dans le système solaire ont des orbites instables, ils peuvent être éjectés n’importe quand de l’endroit où ils se trouvent, jusqu’à l’extérieur du système solaire, ils peuvent d’ailleurs aussi être intégrés par la planète qui passera à leur portée. C’est d’ailleurs exactement de cela que les astronomes parlent quand ils parlent de « nettoyage ». L’intégration des astéroïdes et des objets gravitant dans l’espace, par les planètes dominantes. Ce processus existe depuis toujours, et il ne prendra jamais fin.


- Qu’en est-il de la Lune ?


La Terre n’a pas intégré la Lune, alors pourquoi la Terre est-elle une planète ? parce que la Terre, comme Neptune avec les Plutinos et Jupiter avec les Troyens, domine complètement l’orbite de la Lune. Et leur paire domine tout ce qui se trouve alentour.


- Qu’en est-il des astronomes qui disent que la nouvelle définition de la notion de planète est « pauvre » ?

Il en est qui pourraient ergoter sur la nouvelle définition pendant des heures, mais aucun astronome rationnel ne peut être en désaccord avec le concept. Peut-être qu’on pourrait trouver d’autres mots pour la définition, par contre la conception de ce qui sépare maintenant une planète de quelque chose qui n’en est pas une, est claire pour absolument tout le monde.

M.Brown et redéfinition de la notion de planète

Requiem pour Xena

Le 16 septembre 2006

Je traduis cette page du site du Dr Mike Brown seulement aujourd’hui, parce que je lis beaucoup de choses fausses à son sujet un peu partout sur le net, dans les sites d’astronomie surtout, d’ailleurs. Ce sera donc ma façon à moi, non de le défendre, puisqu’il n’a vraiment pas besoin de moi pour ça !, mais en tout cas de remettre un peu les choses en place. J’ai comme l’impression qu’il y a des liens entre le fait qu’il soit – par sa découverte de 2003UB313 alias Xena et maintenant officiellement Eris – à l’origine de la disparition de Pluton du cercle des planètes « officielles » du système solaire, et le fait qu’on le traite plutôt mal, qu’il subisse cette sorte de « rejet » inconscient dont sont généralement victimes ceux qu’on appelle les « plutoniens ». Sans doute que dans les temps qui viennent il faudra trouver un autre terme que « plutonien » pour exprimer cela, c’est notre travail à nous d’astrologues de le faire, mais notre pensée n’est pas encore arrivée à terme sur ce sujet. Nous en sommes encore au stade du défrichage et c’est une période vraiment intéressante à vivre …


Requiem pour Xena

Par Mike Brown – le 25 août 2006
http://www.gps.caltech.edu/~mbrown/whatsaplanet/requiem.html

Dans le monde entier, il y a des gens qui pleurent la perte de Pluton, son éviction du panthéon des planètes par les astronomes qui ont voté à une majorité écrasante en faveur d’une définition du mot « planète » qui ne retient plus que les 8 premières planètes. On parlait de ce changement de classification depuis des années, il n’a donc surpris personne. Et ce vote remet seulement en place une erreur astronomique vieille de 76 ans, tandis qu’il manifeste aussi que l’astronomie est capable d’évoluer, lorsqu’elle se retrouve face à une information nouvelle concernant le système solaire. Pluton est donc maintenant classé avec les autres objets de la Ceinture de Kuiper découverts récemment, au lieu de rester « collé » n’importe comment aux planètes.

J’ai reçu un nombre incalculable de coups de téléphone me demandant des commentaires et de m’exprimer au sujet de Pluton. Je comprends parfaitement que les gens se sentent en « deuil » de Pluton, que ça les ennuie qu’il ne soit plus une planète. Parce que bien sûr Pluton, en tant que planète, faisait partie du paysage, de l’univers qui nous entoure, de notre voisinage. Il faisait partie de nos vies tout simplement et le déchoir de son statut de planète, c’est finalement aussi douloureux à vivre que quand enfant, on perd son meilleur pote, parce qu’il déménage au loin avec ses parents et qu’on n’a plus jamais de nouvelles de lui. On se demande comment ça a pu arriver ….

Je ne veux pas être insensible aux « plutophiles », mais il y a aussi que Pluton, je n’ai pas très envie d’en parler parce que j’ai mon propre deuil à faire. Puisqu’en même temps que Pluton a été relégué dans la classe des planètes naines, Xena (2003UB313) que j’ai découvert il y a 19 mois, a aussi été mis à la porte des planètes. Au cours des mois écoulés, on l’appelait la 10ème planète parce c’est l’objet le plus gros découvert dans le système solaire depuis 150 ans et que cet objet est même plus gros que Pluton. Et c’est cette découverte qui au final a forcé la main des astronomes et les a poussés à trancher.


Quand j’ai découvert que 2003UB313 était plus gros que Pluton, j’ai appelé ma femme et je lui ai dit « Je viens de découvrir une 10ème planète ». Et hier, après la décision de l’UAI, j’ai fait la même chose. J’ai appelé ma femme et je lui ai dit que 2003UB313 venait d’être enterré avec Pluton. Elle n’y croyait pas … C’était dur pour elle, parce que la 10ème planète, elle s’y était habituée, elle la connaissait si bien … Elle a réagi comme les millions de fans de Pluton qui s’y sentaient émotionnellement attachés. Pour nous, Xena était bien plus que la 10ème planète. Nous avions appris à la connaître au cours de l’année écoulée. Nous connaissions sa Lune (Gabrielle, bien sûr), nous connaissions merveilleusement bien sa surface brillante, nous connaissions la croûte gelée dont son globe est complètement entouré. Nous avions discuté pendant des heures de son nom, de son orbite, et aussi de la multitude d’objets qui lui ressemblent et qui restent à découvrir dans la ceinture de Kuiper. Elle faisait déjà partie de notre espace mental, au même titre que Pluton pour tout un chacun. D’une certaine façon, c’était pour nous l'homologue de notre fille Lilah, qui était venue au monde trois semaines avant que Xena ne se soit révélée. Tout ce qui se passe autour de la naissance d’un enfant, les nuits sans sommeil, la joie incroyable, une confusion immense aussi, tout cela est accompagné maintenant dans nos mémoires du délire que fut l’annonce de la découverte d’une 10ème planète, la nécessité de travailler mille fois plus que d’habitude, d’écrire des papiers pour rendre compte de l’avancée des travaux, de trouver un maximum de télescopes qui puissent se tourner vers l’objet, etc ... Et voilà qu’à peine quelques jours après son premier anniversaire, elle s’en va …

Mais les astronomes ont fait ce qu’il fallait ! Xena n’est pas vraiment partie. Elle reste pour l’instant la plus grande de la classe des planètes naines où elle mérite bien sûr de se trouver. Et d’ailleurs maintenant qu’elle appartient à une vraie classification elle va avoir droit aussi très bientôt à un vrai nom (ndlt : ce qui est fait depuis hier, puisque c’est Eris maintenant). Mais ma femme et moi, entre nous, l’appellerons toujours Xena. Il est possible que Lilah n’apprenne rien à l’école sur Xena, mais nous, nous lui dirons un jour que quand elle avait trois semaines, le monde a entendu parler de la 10ème planète. Nous sortirons la boîte où nous avons rangé tout ce qui concerne Xena et nous lui raconterons tout ce qui s’est passé au cours de l’année où Lilah et Xena enflammaient nos esprits et où nous ne pouvions plus imaginer l’univers sans elles.



Eris (2003UB313 - ex-Xena) / Vision d'artiste (Thierry Lombry)
Crédit de l'image: Nasa

 

 

 

Mike Brown aime les astrologues

Mardi 26 février 2008

Mike Brown - l'astronome de Caltech-Edu dont j'ai déjà traduit dans ce chapitre (avec son autorisation bien entendu) tous les textes fondamentaux concernant la découverte d'Eris et conséquemment le déclassement de Pluton de son statut de planète - tient un blog sur son site, dans lequel il entre toutes les semaines un billet d'humeur. Je ne résiste pas au plaisir de vous proposer la traduction de celui du 26 janvier dernier, qu'il a intitulé "J'aime les astrologues" !

-------------------------------------


Surtout, ne le dites à aucun de mes collègues astronomes, mais j’adore les astrologues. Vraiment.

N’allez pas vous méprendre non plus : je ne crois absolument pas que la position des planètes, des étoiles ou des lunes, ou de quoique ce soit d’autre qui se meut dans le ciel, ait jamais eu de contrôle sur nos vies, nos actions ou nos choix. Vraiment, vraiment pas …

Alors, si je ne crois pas à ce qui est manifestement le précepte central de l’astrologie, comment puis-je donc clamer que j’aime les gens qui la pratiquent ? Permettez-moi de m’expliquer : les astrologues se soucient du ciel et de la position des étoiles et de la lune. Moi aussi. Les astrologues cherchent à comprendre le mode de fonctionnement des orbites des planètes et de leur mouvement, et à en déterminer la signification. Moi aussi. Au sens large, nous faisons souvent la même chose, c’est juste que nos méthodes sont différentes.

L’astrologie et l’astronomie sont soeurs, et leurs racines sont plus profondes que les 5 premières lettres de leurs noms. Jusqu’au siècle des Lumières, elles étaient même inséparables : Copernic, qui a réalisé un des plus grands sauts conceptuels de l’histoire de l’humanité en sortant la Terre du centre de l’univers humain pour la remplacer par le Soleil, était astrologue. Il calculait ses graphiques astrologiques avec autant de ferveur qu’il essayait de comprendre le mouvement des planètes. Il n’est donc pas compliqué de comprendre pourquoi il avait le sentiment qu’il y avait des connexions entre les deux matières. De toutes façons, je pense pas qu’on puisse passer sa vie à observer les rythmes qui donnent leur impulsion aux mouvements des planètes, du Soleil et de la Lune, sans en venir à trouver du sens à leur beauté, leur précision et leur symétrie.

Mais malgré leur éducation commune, les sœurs se sont divisées à l’âge adulte : elles ont conservé leur intérêt commun pour le ciel, mais elles se sont mises à l’observer de façon différente. L’astronomie s’est déplacée sur le terrain de l’objectivité purement descriptive, donc sur le terrain de la science, et quelle merveille que cette science ! Le soir, je peux sortir, lever la tête et admirer la brillance de l'étoile Bételgeuse, la sphère rouge dans le coin supérieur droit de la constellation d'Orion, et je peux aussi vous donner une version très précise du récit de sa naissance dans un nuage de gaz et de poussière, je peux vous raconter ensuite sa longue existence d'étoile, du temps où elle était petite et calme, quand les atomes d'hydrogène qui la composent fusionnaient en son centre, je peux vous dire encore sa récente expansion en boule de gaz de la taille de l'orbite de Mars. Que nous ayons été en mesure de déterminer son histoire, rien qu'en observant son tout petit point de lumière dans le ciel est aussi improbable a priori, que cela est incroyable ... Quand je regarde Bételgeuse dans la nuit, et que je me mets à penser à tout ça, je reste, encore et toujours, émerveillé.

Et l'astrologie ? Est-elle capable de rivaliser avec ça en termes de merveilleux ? Le scientifique que je suis ne croit pas un seul instant qu'elle soit capable de tout me dire de mon histoire, de mon passé, de ma personnalité ou de mes écueils. Ou même de ceux de quiconque. Est-elle pour autant potentiellement dangereuse ? Je ne pense pas. L'astrologie est la soeur qui a conservée intacte sa fascination pour le ciel, mais tandis que l'astronomie acquérait un intérêt croissant pour le domaine des sciences, son intérêt à elle croissait pour l'humain. Mais l'astronomie scientifique, cette sublime fabrique de connaissance et de merveilleux, ainsi que ses incroyables découvertes, laisse les gens et leur conscience en dehors de l'image. L'astronomie invite les gens à regarder le ciel, mais le ciel ne les regarde pas en retour. Par contre, l'astrologie n'a jamais rompu le lien entre le ciel et les gens qui l'observent.

Mais, mais, mais .... protestez-vous ! Il n'y a aucune connexion entre le ciel et les gens ! C'est vrai, le ciel ne nous observe pas ! Mais si ceci est une vérité scientifique toute simple à énoncer, en réalité elle est fausse, culturellement parlant, parce qu’elle se place sur le plan strictement littéral, alors qu’elle devrait se placer sur le plan littéraire. La bonne astrologie peut se comparer à la bonne littérature, parce qu’elle construit un monde qui n’est pas le monde réel, mais qui nous en apprend bien plus sur nous-mêmes que nous n’en apprendrons jamais en nous regardant simplement dans un miroir. Le roi Lear et ses trois filles qui ont divisé son royaume n’ont jamais existé, mais pour autant, méprisons-nous tout ce que Shakespeare a écrit à leur sujet ? Non, bien sûr, nous lisons son œuvre et nous pensons aux relations entre parents et enfants, nous pensons à la loyauté, à la vérité, aux complots, nous en apprenons davantage sur nous-mêmes et sur notre monde. Nous nous enrichissons d’histoires qui n’ont pas de réalité objective.

N’allez pas entendre ce que je ne dis pas, n’est-ce pas … Je ne dis absolument pas que toute l’astrologie équivaut à Shakespeare, pas plus d’ailleurs que d’autres genres en littérature. Dans le magazine que j’ai sous les yeux par exemple, cohabitent très bien des articles de fond, des nouvelles et un horoscope. Je suis Gémeaux (ce qui explique sans doute ma capacité à accepter la dualité Astronomie /Astrologie !) et pour le mois de janvier de cette année, cet horoscope me dit « Comme votre attention est dispersée par votre intérêt pour une grande variété de sujets, vous n’allez rien pouvoir creuser. Arrêtez-vous, respirez un bon coup, ne serait-ce que pour retrouver votre sens de la perspective. »

OK, je n’ai besoin d’aucun astrologue pour me le dire, mais comme tout un chacun, je ne peux pas m’empêcher de lire mon horoscope, et en plus je trouve que cette assertion est extrêmement juste. Donc, je vais respirer un bon coup, et je vais retrouver mon sens de la perspective, ce n’est pas une mauvaise idée ! D'ailleurs, quelques pages avant l’horoscope, dans ce magazine, une des petites nouvelles aboutit à peu près à la même conclusion que mon horoscope, et elle le fait sur trois pages … Alors maintenant que j’ai lu les deux, j’en suis totalement convaincu : je dois absolument m’arrêter pour retrouver mon sens de la perspective … en tout cas dès que j’aurai été au bout des projets que j’ai actuellement en cours !

Alors … mais qui sont les Shakespeare de l’astrologie ? Je dois admettre que je ne les connais pas. Mes lectures astrologiques restent passives ; parfois je reçois des textes que je range soigneusement, parce qu’ils concernent mes découvertes astronomiques et ils m’intriguent énormément comme celui qu’a écrit Henry Seltzer sur Eris dans le « Mountain Astrologer » (*) :

« L’astrologie d’Eris semble reliée au combat naturel que l’humain doit mener pour rester en vie, aussi violent qu’il puisse être. Eris, sœur du Dieu de la guerre, Mars, est allée volontairement au combat et il est vrai que la nature humaine, dans sa lutte pour la survie, est restée à moitié animale, elle en a toute la violence. Dans les années 60, à l’époque des Hippies, on ne voyait que le versant rose de l’être humain, on vivait dans le monde de Oui-Oui et de Bambi qui gambadait dans l’herbe verte et s’abreuvait à l’onde pure des ruisseaux … Mais derrière cette image idyllique, jamais la mort n’a disparu, ni celle de l’homme, ni celle de la nature, tous les « enfants » de la terre ont besoin de manger et font ce qu’il faut pour parvenir à leurs fins, que ce soit violent ou pas. Eris est liée à cette violence-là, la violence comme composante naturelle de l’existence. Elle est liée aussi à la notion de femme « guerrière » qui incarne tout particulièrement les luttes pour les droits des femmes dans une société patriarcale. »

Si on se reporte à ce qui se passe dans la psyché américaine nationale à la fin de l’année 2007, on ne peut pas dire que le tableau que dresse Henry Seltzer soit si mauvais que ça. Il recouvre la guerre en Irak, le réchauffement planétaire, et même la candidature d’Hilary Clinton à la Présidence, ainsi que les combats qu'elle mène en tant que sénateur démocrate. Mais il n’en reste pas moins que ce n’est pas parce qu’un objet a été « nommé » dans le ciel que cela est advenu …

Alors, où se trouve donc l’intérêt de l’astrologie, dès lors que l'on choisit de la prendre uniquement au figuré plutôt que de façon littérale ? Je le répète : on peut poser la même question au sujet du Roi Lear, et on peut poser la même au sujet de la Bible. Et on ne le fait pas … parce que si on le faisait, on passerait totalement à côté de l’intérêt des écrits de Shakespeare et de ceux de la Bible.

La question que l’on devrait donc se poser est la suivante : pourquoi tolérer l’existence de l’astrologie, considérant le danger qu’il y a à la prendre de façon littérale, étant donné qu'ainsi, elle peut semer la confusion dans les esprits et distordre complètement l’approche scientifique des domaines qu’elle recouvre ? Pourquoi prendre au premier degré les conseils lapidaires des horoscopes et prétendre qu’ils sont en quelque sorte liés à une constellation du Zodiaque ? Pourquoi lire la « littérature » astrologique qui vise à analyser en profondeur les conséquences de la découverte de boules de roches et de glaces aux confins du système solaire et à démontrer ensuite qu’elle affecte l’ensemble de l’humanité ? Il n’y a aucune raison … Personnellement, je préfère me cantonner à de la littérature de meilleure qualité, elle me fait beaucoup plus réfléchir, elle m’apprend mille fois plus.

Mais le fait est que je ne peux pas m’empêcher d’aimer l’astrologie et les astrologues. Parce que l’astrologie n’est pas seulement de la littérature « figurative » sur l’humanité, elle aime la voûte céleste, tout autant que moi. Il m’arrive de correspondre avec des astrologues qui me parlent de leur amour pour les découvertes les plus récentes en astronomie, qui cherchent des précisions sur les relations des planètes avec leur mode orbital, qui spéculent sur ce qui pourrait se trouver au-delà du système solaire, et comment tout cela « fonctionne » ensemble. Et j’aime parler avec ces astrologues-là parce que nous avons exactement la même façon de travailler, la même démarche. Mes pensées m’amènent à réfléchir aux implications scientifiques de mes découvertes. Les astrologues quant à eux réfléchissent à leurs implications humaines. Pour moi, la seule chose qui compte, c’est que nous partons du même endroit et que nous avons un intérêt immense pour le ciel.

L’astrologie et l’astronomie sont sœurs.
 
Être frères et sœurs ne signifie pas toujours faire les mêmes choses ou faire les mêmes choix, mais maintenir des liens identiques avec son origine, conserver une connexion forte.

Et si ce n’est pas de l’amour, qu’est-ce que c’est ?



(*) Le Mountain Astrologer est le plus ancien magazine d'astrologie des Etats-Unis et le plus célèbre.

 

Cinq ans déjà - Mike Brown et la ceinture de Kuiper

9 mars 2008

Voici la traduction du dernier billet que Mike Brown a mis en ligne dans son blog le 1er mars dernier, parce qu'il exprime remarquablement bien à quel point la vitesse à laquelle les découvertes en astronomie dans la région de la ceinture de Kuiper et au-delà, augmente et accélère en même temps la mutation planétaire dans laquelle nous sommes engagés à tous les niveaux.

       -----------------------------------

 

Cinq ans, c'est long.

Il y pile 5 ans, puisque c'était au mois de mars aussi, se tenait au Chili une conférence majeure sur la ceinture de Kuiper. Des astronomes du monde entier se sont retrouvés dans une toute petite ville côtière pour discuter des connaissances acquises sur ce secteur du système solaire et de qu'ils pourraient en apprendre dans le futur. A ce moment-là, nous savions déjà beaucoup de choses sur la ceinture de Kuiper. En tout cas nous pensions que nous en savions beaucoup. Mais les 5 ans écoulés depuis ont fait la différence, et quelle différence !

Il y a 5 ans, le plus gros objet non planétaire connu dans ce secteur était Quaoar et nous considérions Pluton comme une planète. Aujourd'hui, Quaoar n'est même plus dans le top 5 des plus gros objets de la ceinture de Kuiper et Pluton n'est plus une planète, il a "rétrogradé" au statut de 2ème plus gros objet de la ceinture de Kuiper.

Il y a 5 ans, l'objet le plus éloigné qui y avait été repéré était l'obscur 1999DG8. Il est situé 61 fois plus loin du Soleil que la Terre, là où nous pensions à l'époque que se situait la frange ultime du système solaire. Aujourd'hui, nous savons qu'Eris est située 90 fois plus loin du Soleil que la Terre à l'extrémité de son orbite, même si actuellement elle se trouve beaucoup plus près. Et puis nous avons aussi découvert Sedna, ce que nous n'aurions pas été capables de prévoir il y a 5 ans. Sedna se trouve actuellement plus près du Soleil que ne l'est Eris, mais prochainement, elle va commencer à s'éloigner : à son point le plus lointain, Sedna se trouve à 1000 fois la distance Soleil / Terre. Elle met 12.000 ans à faire le tour du Soleil, ce qui fait que la dernière fois qu'elle s'est trouvée au point où elle orbite actuellement, la Terre en était à l'époque de sa dernière ère glaciaire. Je me demande souvent où en sera la Terre, quand Sedna reviendra orbiter près du Soleil, en l'an 14.000 !

Il y a 5 ans, aucun des astronomes assis à la table de cette conférence au Chili n'aurait pu imaginer non plus qu'on découvrirait à la toute extrémité de la ceinture de Kuiper, un objet tel que 2003EL61 - alias Santa - objet tournant sur lui-même aussi rapidement et dont nous venons de comprendre qu'il était le produit d'une collision massive à l'extérieur du système solaire il y a environ 4,5 millions d'années. Personne n'aurait pu croire non plus à ce moment-là que nous retrouverions aussi de multiples éclats de cette collision et qu'ils nous permettraient de commencer à reconstituer le noyau de la collision.

Par contre, ce qui n'aurait surpris personne il y a 5 ans, c'est qu'on finisse par découvrir dans la ceinture de Kuiper un objet plus gros que Pluton. La plupart des astronomes qui travaillaient sur le secteur s'y attendaient et ils furent tout simplement soulagés lorsqu'Eris apparut. En revanche, personne n'aurait pu imaginer le débat dément de plus d'un an sur la notion de planète qui s'en suivit, par contre je suis persuadé que les astronomes qui assistaient à cette conférence il y a 5 ans, étaient pratiquement tous déjà convaincus que ce n'était qu'en donnant sa "juste" place à Pluton dans la ceinture de Kuiper, qu'il serait ensuite possible de commencer à classifier correctement tous les objets extérieurs au système solaire.

On m'a raconté que cette conférence au Chili, il y a 5 ans, était passionnante. Je n'ai pas eu le plaisir d'y assister. J'ai étais aussi au Chili à ce moment-là, mais en Patagonie, où je faisais une randonnée avec ma femme. C'était notre lune de miel ! Nous nous sommes mariés le 1er mars 2003. Cinq ans déjà !

 

 

Aurait-on (re)découvert la planète X ?

Le 21 mars 2008

De Mike Brown – traduction de son billet du 15 mars 2008 dans son blog :


En 1846, plus de 50 ans après la découverte d’Uranus, les astronomes John Couch Adams en Angleterre et Urbain Le Verrier en France, se rendirent compte chacun de leur côté, qu’Uranus n’orbitait pas tout à fait autour du Soleil comme ils pouvaient s’y attendre, mais que la planète semblait perturbée par une force invisible. En utilisant les méthodes les plus élaborées de leur époque en matière de calcul et de physique, ils aboutirent à la conclusion que seule une planète située au-delà d’Uranus pouvait la tirer légèrement de son orbite. Ils savaient même où regarder exactement pour observer le phénomène. Le Verrier avait contacté l’astronome Johann Gottfried Galle à Berlin pour lui donner les coordonnées précises de l’endroit où il devait pointer son télescope et dès sa première observation, Galle vit apparaître Neptune, miroitant au bout de sa lunette. Adams et Le Verrier avaient vu juste et surtout les raisonnements qui les avaient conduits à cette découverte étaient parfaitement exacts. C’était bien Neptune qui écartait légèrement Uranus de son orbite et en suivant cet écart, on tombait pile sur Neptune. La découverte de la nouvelle planète fut célébrée comme une immense réussite dans le champ de la physique. L’univers se mettait enfin à la portée de l’esprit.

Si on pouvait découvrir une planète ainsi, alors pourquoi pas d’autres ? Les astronomes se mirent très vite à observer l’orbite de Neptune pour voir si elle n’était pas perturbée elle aussi. Ils se servirent des mêmes méthodes qu’Adams et Le Verrier et déterminèrent rapidement où situer une probable Planète X (X pour inconnu et X pour 10 – bien qu’au moins un astronome ait aussi appelé cet objet hypothétique Planète 0). Percival Lowell, astronome issu d’une famille aisée de Boston, envisagea même de construire tout un télescope (là où se situe maintenant l’observatoire Lowell de Flagstaff en Arizona) dont le but unique serait de découvrir cette nouvelle planète. Il est décédé avant que son projet puisse démarrer sérieusement et en 1930, Clyde Tombaugh, qui avait appliqué le programme de Lowell, découvrit ce qu’il espérait bien trouver : Pluton, qui orbitait au-delà de Neptune. La Planète X venait d’être découverte ! Sauf que ce n’était pas la Planète X, on le sait maintenant … Pluton est bien trop petite pour que Neptune la remarque ou qu’elle puisse dévier, ne serait-ce qu’à peine, son orbite ! La découverte de Tombaugh, bien qu’inspirée par les méthodes de Lowell, n’avait rien à voir avec ce qu’il avait pu prédire ou espérer ; aujourd’hui on sait que ses calculs de départ étaient de toutes façons erronés : Pluton n’est pas la Planète X et Neptune reste imperturbable sur son orbite !

Pourtant, l’idée de découvrir au-delà de Neptune un objet énorme reste tentante, et au cours des années, il s’est toujours trouvé des astronomes pour expliquer par sa présence des évènements aussi variés que l’extinction des dinosaures, l’orbite des comètes, etc … La plus récente paraîtra dans le prochain numéro du mensuel « Astronomical Journal » (le numéro d’Avril). Les auteurs de l’article sont Patryk Lykawka et Tadashi Mukai de l’université de Kobé au Japon. L’idée principale n’a pas changé depuis 1845 : on recherche les conséquences gravitationnelles d’une planète qui reste invisible. Mais Lykawka et Mukai ont un avantage immense sur les chercheurs du début du XXème siècle : ils ont beaucoup, beaucoup plus d’objets à observer que leurs prédécesseurs qui devaient se contenter de Neptune et d’Uranus. On a repéré et on connaît bien maintenant, plus de 1000 « petits » objets gravitant au-delà de Neptune dans la ceinture de Kuiper et chacun d’entre peut potentiellement être affecté par une  autre planète gravitant au-delà.

Dans le système solaire extérieur, les petits objets de la ceinture de Kuiper se comportent comme des débris déposés sur le sable par le courant : ils permettent de tracer l’onde qui les a déposés là et de mesurer l’intensité de la montée ou la descente des eaux qui les charrient. Ils gardent donc la trace de catastrophes lointaines qu’on ne peut plus observer, mais qu’on peut tout à fait imaginer et reconstituer grâce à eux… Dans cette région du système solaire, il s’agit principalement de « migrations » d’orbites des planètes géantes qui tourbillonnaient autour d’eux. Tout ce qui reste maintenant dans la ceinture de Kuiper, c’est cette myriade de petits objets, mais il ne faut pas oublier qu’ils sont le produit « intime » de l’évolution des planètes géantes avant qu’elles deviennent ce qu’elles sont aujourd’hui et qu’elles se « stabilisent ».

Cependant, il y a aussi dans la ceinture de Kuiper des objets dont les orbites ne peuvent pas être expliquées ainsi. La plus remarquable est l’orbite extrêmement excentrique de Sedna, sa rotation de 12.000 ans autour du Soleil… et aux points les plus extrêmes de son orbite, elle se trouve d’un côté à 80 fois la distance Terre – Soleil et de l’autre à 1000 fois. Il paraît donc évident qu’une orbite aussi décalée ne peut résulter que d’un choc gravitationnel énorme, porté par « quelque chose » de très gros. Mais quoi ? Il ne se trouve rien dans la région qui puisse l’expliquer. Et même si Sedna est le cas le plus extrême d’étrangeté orbitale dans la région du système solaire extérieur, ce n’est pas le seul. Donc, qu’est-ce qui pourrait expliquer la « réorganisation » de ces objets de la ceinture de Kuiper, à part les planètes géantes ? Plusieurs idées ont été proposées, chacune d’entre elles explique certaines anomalies, mais aucune ne les explique toutes. Ces idées peuvent se ranger dans trois catégories : il s’agirait d’un objet extérieur au système solaire, d’un objet de l’intérieur du système solaire mais qui a maintenant disparu, ou d’un objet qui est toujours dans le système solaire, mais qu’il reste encore à découvrir.

La proposition de Lykawka et Murai se situe dans la troisième catégorie : ils démontrent que si un objet approximativement de la taille de Mars s’est trouvé à un moment donné dans la ceinture de Kuiper et que les conditions ont été réunies, non seulement l’objet aurait pus provoquer un choc gravitationnel assez puissant pour remodeler la ceinture de Kuiper et lui donner la forme qu’elle a aujourd’hui, mais aussi que cet objet pourrait tout à fait se trouver encore aujourd’hui sur une orbite assez distante du Soleil pour avoir échappé à toute détection. Ce qui par ailleurs éclairerait de façon assez précise tout ce qui se passe dans le système solaire extérieur…

Mais on n’a toujours pas découvert la Planète X ! Au contraire des calculs d’Adam et Le Verrier, ceux de Lykawka et Murai ne permettent pas de prévoir la région de l’espace où pourrait bien se trouver l’objet, puisque la théorie qu’ils avancent concerne uniquement des évènements qui sont advenus dans le passé lointain, ce qui implique que l’éventuelle position actuelle de la Planète X n’a plus d’effet, ou si peu, qu’elle ne peut donc être déterminée. Par contre, la bonne nouvelle, c’est qu’au cours des dernières années les recherches dans le système solaire extérieur – dont les miennes – ont permis de commencer à pointer les endroits où cet objet « pourrait » éventuellement se trouver. Si jamais un objet aussi gros existe et qu’on puisse le découvrir – pour autant qu’il se présente sous le bon angle – demain, après-demain ou qu’il le soit plutôt par la prochaine génération d’astronomes… ce n’est que dans les dix années à venir que nous allons pouvoir nous donner les véritables moyens techniques de le faire.

Alors la prévision de Lykawka et Murai est-elle juste ? Peut-être … Leur démonstration en tout cas, est minutieuse, exhaustive et très réaliste : à l’évidence un objet de la taille de Mars, situé dans le système solaire extérieur, peut tout à fait expliquer les singularités qu’on y observe. Naturellement, ce n’est pas parce que cet objet « pourrait » les expliquer qu’il existe pour autant. Pour que ça fonctionne, Lykawka et Murai postulent aussi que cet objet ait certaines caractéristiques : qu’il soit ni trop gros ni trop petit, qu’il ne soit ni trop éloigné ni trop proche,  qu’il ait eu une « histoire » précise depuis sa formation à la frange intérieure de la ceinture de Kuiper et qu’il ait été éjecté par Neptune sur une orbite plus distante. Cela fait beaucoup de postulats … et cela diminue d’autant la probabilité d’une telle découverte.

D’ailleurs, la possibilité de découvrir quoique ce soit d’autre dans le système solaire s’amenuise de jour en jour. Prenons pour exemple la Lune : elle ne tourne autour de la Terre que grâce à un impact qui a eu lieu à la bonne vitesse et selon un angle très précis. Il aurait suffi d’un tout petit écart de vitesse ou d’angle pour que la Lune n’existe pas. Le système solaire tout entier n’est peut-être que le fruit d’une coïncidence due au nuage de poussière et de gaz d’une Supernova en fusion qui passait par là. Et moi je suis marié à ma femme, suite à une chaîne de coïncidences qui rendaient au départ notre rencontre il y a 7 ans, totalement improbable… C’est vrai, sans les coïncidences, rien n’existerait. Il n’empêche que les scientifiques évitent soigneusement ce genre d’explications, parce qu’ils risquent de perdre leur job ce faisant ! Ce n’est pas pour autant qu’elle ne recèlent pas une part de vérité …

Quoiqu’il en soit, je suspecte quand même que quelques astronomes vont ranger cette nouvelle approche de la découverte de la Planète X dans le rayon des étrangetés propres au système solaire extérieur, ils vont la considérer comme plausible, même si elle est assez improbable. De toutes façons, des explications sur le sujet, on va en trouver d’autres, les observations continuent… et des astronomes comme moi s’intéressent et s’intéresseront encore longtemps à tout ce que d’autres qu’eux peuvent élaborer comme théories sur cette région du système solaire. Après tout, qui sait ? Lykawka et Murai ont peut-être déterré quelque chose ? Peut-être aussi qu’un jour ou l’autre, quelqu’un pointera son télescope au bon endroit et verra un objet très éloigné se balader sur la route des étoiles. Et pourra dire, comme Galle dans le télégramme qu’il a envoyé à Le Verrier après la découverte de Neptune : « La planète dont vous aviez prévu l’emplacementexiste vraiment ».

 

 

 

La fièvre des Plutoïdes

Jeudi 24 juillet 2008


Le 11 juin dernier, Mike Brown rendait compte dans son blog de la décision du comité de l'Union Astronomique Internationale, de nommer Pluton et trois des objets découverts dans la ceinture de Kuiper par son équipe : les Plutoïdes. En voici donc la traduction et vous pouvez vous reporter au texte original ici :www.mikebrownsplanets.com/2008/06/plutoid-fever.html

------------------------------------------------------


Il y a à peu près 2 ans, au cours de ce fameux débat très controversé, au cours duquel le comité réuni a abouti au déclassement de Pluton de son statut de planète à part entière pour le faire entrer dans la catégorie des planètes naines, d’autres décisions furent prises à son sujet, qui sont déjà presque oubliées, si peu de temps après. L’une de ces décisions était que Pluton était le « prototype » d’une nouvelle classe d’objets célestes. OK. Très bien. Ce que cela représente exactement est assez difficile à préciser. Mais pour autant que je puisse l’exprimer, il s’agit plutôt d’une tentative d’être quand même « sympa » avec Pluton, après l’indignité de son déclassement. Comment d’ailleurs pourrais-je aller à l’encontre de cela ?

L’autre décision qui fut prise était de donner un nom à la nouvelle classe d’objets qui venait d’entrer en lice. Si je me souviens bien, il a été proposé de l’appeler « objets plutoniens ». Cette proposition a été adoptée à une marge très réduite. Pourquoi ? Une nouvelle fois, c’est difficile à dire. Sans doute que les astronomes présents étaient d’humeur badine ! Alors finalement, cette classe d’objets est restée sans véritable nom précis, avec la promesse – quasi une menace ! – qu’un comité prochain s’en occuperait ensuite sans avoir à voter sur le sujet.

Le comité avait parlé ! Et ensuite, il a mis à peu près deux ans pour arriver au terme définitif de Plutoïdes, qu’il vient de définir comme étant une planète naine (ce qui veut dire assez grande pour être ronde) située au-delà de Neptune. Mais le comité ne s’est pas arrêté là … il avait sans doute encore envie de compliquer les choses : il a aussi décidé de n’attribuer le nom de Plutoïde qu’aux planètes naines les plus brillantes, c’est-à-dire à Pluton lui-même ainsi que trois autres de mes « bébés » : Eris, 2005FY9 et 2003EL61.

On m’a demandé si une controverse ou des chamailleries étaient possibles, si on pouvait en venir aux mains ! mais je suspecte plutôt qu’il ne se passera rien … Il fallait trouver un nom à une classe d’objets, elle en a un maintenant qui me semble ne faire la part à aucune controverse, bien qu’il ne soit pas très "parlant"… En fait, le seul truc qui me dérange un tant soit peu, c’est la référence à la « brillance » des objets de cette nouvelle classe, et non à leur forme : si jamais Pluton se « couvrait » de poussières, ce ne serait plus un Plutoïde. Ou alors quand Eris, qui est intrinsèquement l’objet le plus brillant d’entre eux, sera au plus près du Soleil (dans 290 ans), la glace qui se trouve à sa surface fondra et exposera ses substrats les plus sombres, du coup, non seulement il ne sera plus le plus brillant, mais il y a fort à parier qu’on ne le verra plus du tout …

Mais en même temps, je comprends tout à fait que le comité ait fini par se résoudre à déterminer des critères de « brillance » plutôt que de « rondeur ». Je sais qu’il reste encore quelques irréductibles parmi les astronomes qui sont furieux que Pluton ait été déclassé de son statut de planète et qui vont continuer à haranguer les foules en leur assénant leurs complaintes, tandis que les autres les écouteront sans doute en bâillant …

Des Plutoïdes ? Oui, pourquoi pas … en fait, la plupart des astronomes ont déjà évolué au-delà du débat sur Pluton et sur la sémantique qui lui est associée. Si Pluton lui-même est heureux d’être un Plutoïde, pourquoi le contrarier ?


Qu'y-a-t-il dans un nom ? (1)

Jeudi 24 juillet 2008


Article du blog de Mike Brown, publié le 22 juin dernier.  La version originale en anglais se trouve à cette adresse :
www.mikebrownsplanets.com/2008/06/whats-in-name.html


---------------------------------------------


Demandez à la plupart des astronomes ce qu’ils pensent de la décision de déclasser Pluton de son statut de planète à part entière pour en faire une planète naine (sans oublier ma découverte d’Eris), ils vous diront que ce n’est pas important, que c’est juste de la sémantique, que ce débat a quelque chose d’excessif. Et puis ils enchaîneront pendant trois heures pour vous expliquer pourquoi ils ont raison et pourquoi les autres ont tort …

Je ne ferai pas ça. Je ne vous dirai pas non plus pourquoi je pense – ou pas – que Pluton et Eris « devraient » être des planètes. Ni ce que je pense du terme « planète naine », ni du nouveau terme « Plutoïde ». J’ai des opinions assez marquées sur tout ça et je pourrais, moi aussi, remplir sans problème ces fameuses trois heures à ergoter, parce que bien sûr, c’est moi qui ais raison et que tous les autres ont tort ! A la place, je vais donc aborder des questions qui me semblent beaucoup plus importantes, à savoir : est-ce que tout ce débat est vraiment important, est-ce que ce n’est « que » de la sémantique, qu’y-a-t-il dans un nom, est-ce qu’une rose qui ne s’appellerait pas rose sentirait aussi bon ?


Commençons par oublier que le mot planète a jamais existé et regardons plutôt le système solaire avec des yeux neufs. Dans pratiquement tous les cas auxquels je peux penser, la première chose que fait un scientifique lorsqu’il commence à observer un nouveau groupe d’objets, d’animaux, de comportements ou de phénomènes, c’est de les classifier. La classification est à la racine de toute arborescence scientifique. Sans classification, il n’y a que des individus qui impliquent des explications et des théories individuelles. C’est la classification qui nous permet de donner du sens au monde qui nous entoure.

Dans le monde animal, il est très aisé de penser par classifications utiles : les animaux qui marchent versus ceux qui volent, versus ceux qui nagent … etc … on peut commencer comme ça. Mais c’est compter sans ceux qui arrivent ensuite et disent : et si on les catégorisait en herbivores versus les carnivores, versus les omnivores ? Pas de problème … en fait, dans ce domaine, les systèmes de classification diffèrent tout simplement selon le royaume animal que vous étudiez. Il y a aussi les animaux à plumes versus ceux à poils, versus ceux à écailles. Les grands versus les petits. Les mammifères versus les reptiles, versus les oiseaux. Les possibilités sont infinies … qui a raison ? Ben, personne ne pose jamais de question aussi stupide ! En fait, « la » question à se poser est de savoir lesquelles d’entre elles sont utiles, celles qui sont ne le sont pas, mais jamais de laquelle il s’agit. Si vous êtes un scientifique qui étudie la reproduction, rien ne vous empêche de décider quelle catégorie importante pour vous représentera les ovipares versus celle qui porte ses enfants, tandis que tout près de vous dans le même laboratoire, un spécialiste de la vocalisation se portera sur les sons émis par les animaux. Et tous ces schémas de catégorisation sont valables.

La seule chose qui me paraît erronée en matière de catégorisations, c’est d’élaborer leurs règles de fonctionnement et ensuite de ne pas les suivre. Par exemple de ranger certains reptiles dans les mammifères ou dans les oiseaux. Puis ensuite de déclarer que les chats et les chiens se trouvent dans la famille des oiseaux. Là, le système de classification est juste mais la catégorisation en elle-même est erronée.


Revenons au système solaire et cette fois, essayons d’oublier complètement le mot « planète ». Si vous étudiiez le système solaire et qu’on vous demandait de classifier les objets qui s’y trouvent, vous auriez plusieurs possibilités à votre disposition : si c’était sa composition qui vous intéressait, vous pourriez les catégoriser en objets rocheux versus objets gazeux, versus objets de glace ; si vous étiez intéressé par l’atmosphère, vous pourriez les catégoriser en objets à atmosphère dense versus objets à atmosphère légère, versus objets sans atmosphère ; si vous étiez intéressés par les champs magnétiques, vous pourriez catégoriser ceux qui en ont un versus ceux qui n’en ont pas.

Un astronome qui regarde le système solaire au moyen d’un téléscope a à l’esprit en termes de catégorisation quelque chose du genre : il y a les objets qui sont assez grands et assez proches pour que n’importe quel télescope puisse les capter, il y a ceux qui sont petits, mais que les télescopes les plus grands du monde, tels que celui de Hubble Space, peuvent capter et puis il y a ceux qui sont si petits et si éloignés qu’ils n’apparaissent que comme de tout petits points de lumière, quelque soit le télescope utilisé.

Chaque fois que je suis au départ d’un nouveau projet d’observation du ciel, j’utilise explicitement cette classification-là.

Et cette liste est sans fin.

Alors, quel système de classification est correct en l’occurrence ?

Comme pour la classification des espèces animales, cette question est en fait complètement absurde, et personne ne la pose. En la matière, il y a beaucoup de schémas de classification tout aussi bons et utiles les uns que les autres. Et ils existent déjà. Donc, quand l’Union Astronomique Internationale a soumis au vote la définition du mot « planète », ce qu’elle faisait, ce n’était pas créer une nouvelle classification, puisque ce système existait déjà. Ce qu’elle faisait c’était seulement de décider dans quel système de classification prééxistant pouvait se ranger le mot magique « planète ».

Bien qu’il y ait un nombre infini de systèmes de classification qu’on puisse imaginer, au moment du débat sur le mot planète, seulement deux furent avancés : le premier système de classification est celui des objets ronds versus les objets qui ne le sont pas. Bien qu’à première vue, ce système semble idiot et arbitraire, si on le traduit par « géologiquement intéressant » versus « pas intéressant géologiquement », il prend alors du sens (cet énoncé a d’ailleurs été contesté par des myriades de scientifiques planétaires qui étudient la géologie des objets non-ronds, mais je crois cependant qu’ils pourraient tout à fait agréer la façon dont j’aborde les choses ici). Un objet devient rond lorsqu’il devient assez gros pour s’écraser sur lui-même grâce à sa propre gravité. Cet écrasement implique potentiellement de très intéressants processus géologiques, c’est pour ça que l’on pense généralement que les objets ronds ont une géologie intéressante, alors que les non-ronds n’en ont pas. En se fondant sur des estimations raisonnables, on sait qu’il y a des centaines d’objets de ce genre dans le système solaire et aucun astronome ne pourrait (ou ne devrait, tout au moins) jamais contester que ce schéma de classification est utile.

Le second schéma de classification abordé était celui des grands objets solitaires versus les collections de petits objets. Les objets solitaires sont Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. Les collections de petits objets incluent les astéroïdes, principalement ceux situés entre Mars et Jupiter, les objets de la ceinture de Kuiper, principalement ceux situés au-delà de Neptune et d’autres « intrus » variés, comme les comètes. Pour ceux qui s’intéressent à la formation et à l’architecture des systèmes planétaires, cette classification divise les objets du système solaire en différents groupes qui nécessitent différentes explications (peut-être qu’un système meilleur serait de subdiviser aussi les grands objets en sous-catégories : les objets rocheux et les objets gazeux – ce qui demande donc d’utiliser des théories séparées de formation). Là encore, aucun astronome ne pourrait (ou ne devrait, tout au moins) jamais contester que ce schéma de classification est utile …


A l’heure actuelle, tout ce qui peut être pensé en matière de catégorisation scientifique l’a été, et très correctement. Tout ce qu’il reste à décider, c’est quelle catégorisation peut utiliser le mot magique « planète ». En l’occurrence, il n’y a absolument aucun argument scientifique qui puisse trancher en faveur de telle ou telle catégorisation, et je crois personnellement que les deux qui ont été discutées lors du comité de l’Union Astronomique Internationale sont valables.

La plupart des astronomes sont passés à côté de ce point. Quelques-uns d’entre eux continuent à attaquer ou à défendre la définition du mot planète sur des bases scientifiques. Ce faisant, ils tentent d’occulter ce qu’ils font vraiment, à savoir tenter de prouver que l’un de ces deux systèmes est meilleur que l’autre. Ils font preuve de peu d’intelligence et d’un vrai manque de réflexion. Il y a même un symposium organisé cet été pour discuter encore de la définition « scientifiquement correcte » d’une planète, le sujet de conférence le plus infondé que je puisse imaginer …

Alors que va-t-on faire de çà sur un plan mondial, et surtout, est-ce que c’est vraiment important ?

Je dirais que oui, c’est important, et que même la résolution de ce problème devient critique pour notre monde. Tandis que les astronomes (de même que les astrologues dont je sais qu’ils me lisent ici), ont à leur disposition une infinité de systèmes de classification des objets du système solaire, alors que le public ne dispose que d’un seul. Il y a des planètes, certes, mais il y a aussi tout le reste. Alors si le public n’utilise qu’un seul système de classification, lequel lui proposer ? Lequel rend le mieux compte de la richesse et de la complexité du système solaire, lequel lui parle le mieux de l’univers qui nous entoure avec un seul mot ?

Je préjuge de la réponse à cette question, mais ce n’est qu’un présupposé. Vous en avez peut-être un vous-même, il est peut-être différent du mien, alors, quand le moment vient de pratiquer la science, il est toujours temps de revenir à la classification que nous avions laissée de côté et qui est la plus utile pour résoudre les problèmes que nous posons au moment où nous les posons.

 

Règles de base pour débattre de la notion de planète

Samedi 26 juillet 2008


Voici l'article que Mike Brown a entré dans son blog le 29 juin dernier, proposant quelques règles de base pour continuer - et clore enfin ! - le débat sur la définition de la notion de planète puisque, constate-t-il, alors que ce débat devrait être clos depuis longtemps ... il se réanime régulièrement, faisant régresser dans le même temps toute avancée possible de la réflexion sur le "nouveau système solaire". Alors, puisqu'il empêche de faire le pas suivant vers une meilleure compréhension de l'univers qui nous entoure et donc de nous-même, il a choisi de proposer quelques règles pour le mener à son terme.

 

On peut lire la version en anglais à cette adresse :www.mikebrownsplanets.com/2008/06/ground-rules-for-debating-definiton-of.html


-----------------------------------------------------

 

 

La semaine dernière, je vous ai parlé de l’importance de la "catégorisation" et du fait qu’il n’existe pas qu’une seule façon de faire des catégories.

Dans le cas du système solaire, le débat est pratiquement clos sur le fait qu’il faille utiliser une classification géologique pour distinguer les planètes des non-planètes (si un objet est assez gros pour être rond, c’est une planète – avec quelques restrictions - et s’il ne l’est pas, ce n’est pas une planète) ou bien utiliser une classification dynamique (ou comme je préfère l’appeler, une population) si un objet est assez gros pour être solitaire, c’est une planète, s’il ne l’est pas et qu’il fait partie d’une population plus grande, ce n’est pas une planète. La plus grande partie du débat ayant porté sur des détails insignifiants et sur la façon dont on pouvait nommer ces systèmes de classification. Plus précisément, sur la marge à accepter en matière de "rondeur", sur le fait que l’orbite de Neptune est croisée par celle de Pluton et de beaucoup d’autres objets de la ceinture de Kuiper (* image en bas de page) et encore sur le fait que toute dénomination – ou définition – avait quelque chose de défectueux, de toutes façons.

Ce à quoi je voudrais répondre tout simplement : tout astronome qui affirme que chacun de ces systèmes de classification est fondamentalement faux ou n’a pas de sens propre, devrait jeter un œil dans son télescope. Quand on se trouve face à deux systèmes de classification aussi bons l’un que l’autre, comment un scientifique peut-il honnêtement décider dans lequel il peut mettre le mot "planète" ? En fait, il n’y a pas de réponse "scientifique" à cette question, parce que la question en elle-même n’est tout simplement pas scientifique.

Que faire, alors ?

Selon moi, une approche rationnelle serait de laisser la décision finale à l’instance internationale qui ratifie officiellement les noms donnés aux objets découverts dans l’espace (parce qu’elle est majoritairement composée de non-scientifiques). L’Union Astronomique Internationale serait sans doute la plus appropriée, surtout parce qu’elle a accepté de soumettre au vote la définition dynamique / population qui a abouti à la décision de retenir 8 planètes dans le système solaire.

J’approuve cette décision et j’aurais aussi approuvé une décision de l’UAI qui aurait défini les centaines d’objets ronds gravitant dans l’espace comme des planètes (selon la définition géologique).

Bien sûr, j’ai des opinions personnelles. Je pense que la définition dynamique est bien plus appropriée pour expliquer au public ce que sont les grands objets les plus importants du système solaire ainsi que leurs relations avec les vastes populations d’objets plus petits (astéroïdes, comètes, objets de la ceinture de Kuiper). Et je pense aussi que culturellement, un petit nombre (8) de repères mentaux est plus efficace qu’un grand nombre (mettons 100). C’est pourquoi je plaiderais (et plaide) fortement contre la définition géologique. Mais je dois aussi faire et travailler avec.


Parce que l’UAI a voté, le mot "planète" a été assigné à une catégorie qui inclut les 8 objets les plus grands du système solaire et je considère généralement que le débat sur Pluton (et sur Eris) est clos. Je souhaite que nous avancions tous maintenant au-delà et comprenions à quel point ces nouvelles découvertes ont dépassé le seuil des "planètes" et ont changé notre vision du système solaire et la façon dont nous le comprendrons à l’avenir.

Mais nous n’y arrivons pas … les débats continuent … et puisqu’il en est ainsi … j’aimerais proposer ce qui suit :



Règles de base pour débattre de la notion de planète

Scientifique

  • - Discuter des différentes façons possibles pour catégoriser les objets du système solaire est intéressant. Les catégories géologiques et dynamiques / population retiennent toute l’attention, mais il y a beaucoup beaucoup d’autres façons intéressantes d’envisager le système solaire.

  • - Clamer qu’il y a des raisons scientifiques pour que certains d’entre ces objets méritent d’entrer dans la catégorie des "planètes" devrait disqualifier de toute discussion future ceux qui le prétendent, pour la raison qu’il ne s’agit que d’un amalgame entre science et culture.

  • - Proposer un système de classification qui prétend l’être pour des raisons scientifiques, tout en étant complètement inconsistantes (par exemple, voir la proposition originale de l’UAI à 12 planètes), devrait renvoyer les personnes concernées à l’école pour un "soin" scientifique intense !


Culturel

  • - Discuter des avantages et des désavantages culturels (éducatifs, émotionnels, etc …) du mot "planète" appliqué aux différents systèmes de classification, est le débat le plus important à tenir. Une fois que les catégories sont définies, ce débat devient purement culturel, car les scientifiques ont déjà apporté toutes les contributions scientifiques possibles. Ils peuvent encore parler, bien sûr, mais je ne suis pas sûr qu’ils puissent encore peser sur le débat, il me semble qu’ils en ont fait le tour.

  • - Il importe de discuter de la grande question de savoir si le mot "planète" a besoin d’être appliqué à tous les systèmes de classification scientifique. On pourrait par exemple sortir des débats tout scientifique qui – même sur une base culturelle – affirme qu’il y a 9 planètes dans le système solaire sur la seule raison que c’est "comme ça et pas autrement", sans se soucier de la science (comme certains l’ont fait au moment de la discussion sur les "continents" de la Terre).


Procédure

  • - Il y a beaucoup de questions intéressantes à poser. Qui décide qu’on doit utiliser un mot ? Si on doit partir sur des bases scientifiques, y a-t-il une bonne raison pour que ce ne soit pas l’UAI qui prenne la décision ? Si on ne part pas sur des bases scientifiques, est-ce que quelqu'un existe pour prendre une telle décision ou doit-on s’en remettre à la société toute entière qui graduellement, finirait par adopter cette pratique ?

  • - Toutes les déclarations trompeuses consécutives au vote de l’UAI doivent être démenties. Oui, la procédure complète de l’UAI a été foutue en l’air par ces déclarations abusives, quoiqu’il en soit, je ne crois pas que l’on aboutisse à quelque chose de tellement différent de ce vote en en rediscutant, quelles que soient les personnes se trouvant en présence. Parce que les vérifications effectuées après le vote de l’UAI – et il y en a eu ! – ont montré que grand nombre d’astronomes pensaient que la définition à 8 planètes était bonne. Donc, se plaindre du vote de l’UAI équivaut à se revêtir du label "mal informé sur ce que la plupart des astronomes pensent".



Je suis certain que dans ce que j’avance ici, il y a des choses que vous trouvez bonnes, d’autres moins. Alors bienvenue dans le débat ! Dans les semaines à venir, je l’étofferai encore et j’apporterai aussi mes réponses à vos commentaires.

 

Qu'y-a-t'il dans un nom ? (2)

Mercredi 30 juillet 2008

Le 13 juillet dernier, Mike Brown continuait dans son blog sa réflexion sur la façon dont il choisit les noms des objets qu'il découvre dans la ceinture de Kuiper et s'expliquait sur le choix de Makemake, que l'Union Astronomique Internationale venait d'accepter pour le "petit dernier" 2005FY9.


On peut lire l'article en anglais ici :
www.mikebrownsplanets.com/2008/07/whats-in-name-part-2.html


---------------------------------------------------

Tandis qu’une rose qui porterait un tout autre nom sentirait certainement tout aussi bon, l’objet/planète naine/Plutoïde de la ceinture de Kuiper connu principalement sous la dénomination 2005FY9, exhale pour moi maintenant un parfum encore plus agréable depuis que l’Union Astronomique Internationale a enfin accepté la proposition que nous lui avons faite il y a 6 mois de lui donner un nom qui lui soit propre.

Extrait de la citation officielle de l’UAI :

Makemake, découvert le 31 mars 2005 par M.E. Brown, C.A. Trujillo et D. Rabinowitz à l’observatoire de Paloma

Makemake est le créateur de l’humanité et le dieu de la fertilié dans la mythologie de l’île du Pacifique Sud Rapa Nui. Il était le chef des dieux dans le culte Tanga manu de l’homme-oiseau et était vénéré sous la forme d’oiseaux de mer, qui étaient son incarnation. Son symbole matériel – un homme à tête d’oiseau – est gravé sous forme de pétroglyphes sur l’île.



Trois ans, c’est long pour ne porter qu’un nom fait de lettres et de chiffres, ce qui fait que la plupart du temps, nous l’avons nommé Easterbunny, parce que nous l’avons découvert quelques jours seulement après Pâques 2005. Trois ans, c’est long pour se dire qu’il faudrait ensuite l’appeler par son "vrai" nom, qui est aujourd’hui Makemake. Mes étudiants, qui n’ont sans doute pas encore entendu ce nouveau nom aujourd'hui, vont me regarder avec l’air de ne rien comprendre, dodeliner de la tête et m’ignorer, comme il le font souvent, quand je leur dis des choses qui ne font pas sens pour eux (ce qui – me disent-ils régulièrement – arrive à chacune de nos rencontres hebdomadaires !). Mais je leur dirai que 2005FY9, aka Easterbunny, aka K50331A (le tout premier nom qui fut  assigné à Makemake par mon ordinateur une fois que j’y ai entré l’information de sa découverte : 5 pour 2005 ; 3 pour mars ; 31 pour le jour ; A pour le premier objet découvert cette année-là) ne sera plus appellé que Makemake, le chef des dieux de la petite île du Pacifique, Rapa Nui.


Nous faisons très attention à la façon dont nous "nommons" les objets du système solaire. Nous avons choisi le nom de Quaoar (force de création pour la tribu des Tongva qui vivent dans la région de Los Angeles), d’Orcus (la contrepartie étrusque de Pluton, pour un objet qui apparaît comme un jumeau de Pluton) Sedna (la déesse Inuit de la mer, pour l’objet de la ceinture de Kuiper le plus froid et le plus éloigné du Soleil aux confins de son orbite), et Eris (la déesse grecque de la discorde et de la contestation, pour l’objet qui a abouti au déclassement de Pluton de son statut de planète). Chacun de ces noms est apparu après des réflexions et des débats considérables, et chacun d’eux recouvre aussi les caractéristiques physiques et astronomiques de ces corps, qui nous semblent les plus appropriées pour les décrire.


C’est pour Makemake qu’il fut le plus difficile de trouver un nom permanent pour remplacer son surnom : Easterbunny. Orcus et Sedna correspondent parfaitement au caractère des orbites de ces deux corps. Eris était tellement approprié, qu’il me ferait croire à l’astrologie. Et Quaoar était, pensions-nous, le meilleur hommage possible au fait que, dans la culture mondiale, les déités mythologiques ne sont évidemment pas uniquement grecques ou romaines.

Mais qu’en était-il pour Easterbunny ? Son orbite n’est pas particulièrement étrange, mais elle est grande. Elle surpasse de 2/3 celle de Pluton. Et il est brillant. C’est probablement l’objet le plus brillant de la ceinture de Kuiper, à part Pluton lui-même.  Par contre, Easterbunny n’a pas de rapport objectif avec 2005FY9. Sa surface est couverte de glace de méthane pratiquement pur, ce qui est fascinant scientifiquement parlant, mais difficile à mettre en rapport avec la mythologie terrestre. (A un moment, j’ai travaillé à le mettre en relation avec les oracles de Delphes, parce que certaines personnes disaient que l’état de transe des pythies était dû au gaz naturel (méthane) qui s'échappe de terre à cet endroit. Et puis j’ai fini par me dire que c’était idiot).  Premier round.

Ensuite, j’ai passé un certain temps à réfléchir sur l’idée de Pâques et d'équinoxe reliée aux mythes, en hommage à l’époque de la découverte. J’ai appris beaucoup de choses sur le païen Eostre (ou Oestre ou Oster, parmi ses nombreuses autres dénominations) dont Easter (Pâques) tire son nom, avant de me rendre compte qu’un astéroïde porte déjà le nom de cette déesse. Deuxième round.

Finalement, je me suis penché sur les nombreux dieux Lapins (bunnys) existant. Le panthéon des Indiens d’Amérique est peuplé de moult lièvres, qui s’appellent tout simplement Lièvres, ou encore mieux "Gros Lapins". J’ai aussi passé du temps à envisager "Manabozho", le dieu lapin Algonquin des voleurs, mais je dois admettre que la partie "Bozo" à la fin du nom ne m’attirait pas vraiment. Il y a beaucoup d’autres dieux lapins, mais leurs noms ne me parlaient pas du tout. Troisième round.

J’ai laissé tomber au bout d’un an. De toutes façons, ça n’avait aucune importance réelle, parce que l’UAI n’était pas en position de trancher à cette époque, et j’attendais plutôt à ce moment-là qu’un nom soit donné à 2003EL61, nom que j’avais proposé 18 mois avant.

A Noël dernier, des bruits ont couru que l’UAI allait choisir elle-même un nom pour 2005FY9, sans tenir compte de ce que les découvreurs pouvaient en penser. On pourrait se dire que ça n’avait finalement aucune importance et aussi que cela me soit égal ; il n’y a pas vraiment de "science" dans le choix des noms des objets célestes après tout, mais ça ne me plaisait pas tellement que ce soit un comité qui décide du nom d’un objet que j’ai découvert. Alors, je me suis remis au boulot.

Soudain, la lumière s’est faite : l’île de Rapa Nui est venue à mon esprit. Pourquoi n’y avais-je pas pensé avant ? Je ne connaissais rien à la mythologie de cette île, donc je me suis mis à l’étudier et c’est là que Makemake m’est apparu, le dieu des dieux, le créateur de l’humanité et le dieu de la fertilité. C’est surtout l’idée de fertilité qui m’intéressait dans la mythologie de ce dieu, à cause du nombre d’objets que je découvrais à cette époque et parce qu’Eris, Makemake et 2003EL61 furent découverts pendant la grossesse de ma femme (entre les 3 et 6 premiers mois). Makemake était la dernière de ces découvertes. Et je me rappelle précisément du sentiment d’abondance fertile que je ressentais se déverser de tout l’univers à cette époque. Et Makemake en faisait partie.

Et Rapa Nui ? Elle fut visitée pour la première fois par des européens le dimanche de Pâques 1722, précisément 283 ans avant la découverte de l’objet de la ceinture de Kuiper connu maintenant sous le nom de Makemake. A cause de cette première visite, l’île (qui est territoire chilien) s’appelle de son nom espagnol Isla de Pasqua, de son nom anglais Easter Island et de son nom français Île de Pâques.





Crédit de l'image d'artiste représentant Makemake :Nasa

On trouve aussi sur le site de la Nasaune simulation de l'orbitede Makemake

 

 

Le grand débat sur la notion de planète n'a toujours pas eu lieu

Le 16 septembre 2008

Début août, un nouveau débat de l'Union Astronomique Internationale a eu lieu à Baltimore, afin de définir à nouveau la notion de planète. Depuis août 2006, il était établi que le système solaire comptait 8 planètes principales et des planètes naines, catégorie dans laquelle Pluton avait été entré et donc "déchu" de son statut de planète à part entière - pour des raisons qui sont exposées depuis le début dans ce chapitre de traductions des textes de Mike Brown, l'astronome à l'origine de ce débat depuis sa découverte d'objets gravitant dans la ceinture de Kuiper, comme Pluton, et plus gros que lui, tel Eris.

Depuis ce moment, face aux remous provoqués par le déclassement de Pluton, Mike Brown plaide non pour s'en tenir à la définition à 8 planètes adoptée par l'UAI en août 2006, mais pour qu'un vrai débat ait lieu autour de cette redéfinition, basé sur des arguments à teneur scientifique, et non émotionnelle (esthétique est le terme qu'il emploie généralement pour en parler), comme ce fameux débat de Baltimore le fut.

 

Vous pouvez lire en anglais le texte que je traduis ici, dans le blog de Mike Brown, en date du 17 août dernier :

www.mikebrownsplanets.com/2008/08/great-planet-debate-wasnt.html

Pour résumer, rien n'est donc définitivement acquis pour l'instant dans le domaine de la redéfinition de la notion de planète et la discussion reste grande ouverte à tous les amateurs et à tous les plus grands spécialistes en la matière, c'est ce qu'il convient de tirer des dernières conclusions de l'UAI et du regard que le "grand" Mike Brown porte sur elles en se faisant encore une fois avec pertinence l'avocat du diable.

 

 

-----------------------------------------------------



La semaine dernière à Baltimore, à la conclusion de la conférence sur les planètes et leur définition, deux astronomes ont fait volte face sur ce qu’il est convenu d’appeler le « Grand Débat sur la Notion de Planète ». Je n’ai pas pu assister à cette conférence, et j’ai donc raté ce « débat », mais cependant, grâce à un compte-rendu paru dans la presse et transmis par un des participants, je peux déjà désigner un gagnant par défaut.

Comme je l’ai déjà expliqué il y a quelques semaines dans ces pages, la classification est une science importante qui n’est pas vraiment sujette à débat. En conséquence, tout le monde arrive à se mettre d’accord sur le nombre d’objets dynamiquement dominants dans le système solaire. Tout le monde est capable de reconnaître ceux qui sont ronds ou pas, ceux qui sont composés de roches, de gaz ou de glace … Il n’y a pas matière à débat sur ces points, puisque ce sont seulement des faits. Donc, si débat il doit y avoir, il ne peut donc porter que sur ceci : lequel des différents systèmes de classification majeurs faut-il utiliser pour pouvoir utiliser le mot magique « planète » afin d’en décrire scientifiquement ses membres ?

Mais … selon ce fameux compte-rendu que j’ai lu dans la presse, l’astronome qui argumentait contre la définition actuelle à 8 planètes, veut que l’on utilise maintenant une définition selon laquelle tout objet rond du système solaire est une planète, et qu’en fonction de ça, il devrait y avoir 13 planètes.

Je dis STOP !

Du jour au lendemain, tout ce qui est rond pourrait être une planète ? et on pourrait aussi débattre de choses qui ne sont pas matière à débat par essence ? Ce qui donne pour résultat que les « planètes » seraient maintenant celles que l’on connaît et qui vont de Mercure à Pluton, auxquelles on ajouterait le plus gros astéroïde Cérès, le « compagnon » de Pluton, Charon, et mes deux dernières découvertes : Eris et Makemake. Ce qui fait 13.

Sans prendre en compte les opinions personnelles sur la question, ou se soucier de savoir si cette cette définition convient objectivement au mot planète ou pas, de toutes façons, le problème est qu'utiliser cette approche, c’est pratiquer de la science de mauvaise qualité.


Alors, faisons le point : combien y-a-t-il d’objets ronds dans le système solaire ?

Nous n’avons pas encore la réponse à cette question, premièrement parce que la plupart des objets de la ceinture de Kuiper sont tellement éloignés qu’on ne peut pas voir exactement leur forme. On sait effectivement que Pluton et Charon sont ronds, donc ils entrent dans la catégorie des objets ronds. Mais pour l'instant, on présume seulement qu’Eris est rond parce qu’il est plus massif que Pluton. Quant à Makemake, il a été mesuré à peu près, mais n’a pas encore de masse connue, - parce qu’il n’a pas de Lune (et que c’est essentiellement grâce aux Lunes des objets célestes que l’on peut mesurer leur masse) -, mais il est grand, donc probablement massif aussi et probablement rond.

Donc, qu’en est-il des autres objets de la ceinture de Kuiper ? On ne peut pas les voir assez bien pour déterminer s’ils sont ronds ou pas, mais on peut « estimer » la taille qu’un objet doit avoir avant de pouvoir acquérir une forme ronde et par là-même, savoir combien d’objets de la ceinture de Kuiper sont à peu près ronds. Dans la ceinture d’astéroïdes il y a Cérès, dont on peut établir qu’il a à peu près 900 kms de diamètre, ce qui est une bonne limite basse de taille pour des objets rocheux comme les astéroïdes. La glace, par contre, n’est pas aussi dure que le roc, donc elle supporte beaucoup moins bien la force de gravité, en conséquence de quoi elle dispose de beaucoup moins de force pour devenir ronde. Pour estimer la taille que doit avoir un objet de glace pour devenir rond, il faut regarder les satellites de glace des planètes géantes. Le plus petit corps de glace dans ce domaine, c’est Mimas, le satellite de Saturne, qui a un diamètre d’à peu près 400 kms. Ceux de 200 kms n’arrivent jamais à être ronds. Donc c’est quelque part entre 200 et 400 kms qu’un tel objet peut devenir rond. Des objets faits de beaucoup de glace deviennent ronds à de petites tailles et certains, contenant peu de roc, peuvent être plus grands. En tout cas, on peut honnêtement poser 400 kms comme limite basse raisonnable et arriver à la conclusion que tout objet plus grand que 400 kms de diamètre gravitant dans la ceinture de Kuiper est sans doute rond.


Nous y voilà : combien d’objets plus grands que 400 kms de diamètre se trouvent-ils dans la ceinture de Kuiper ? Il est impossible de répondre à cette question précisément, parce que nous ne connaissons pas la taille de plus de quelques-uns de ces objets pour l’instant, mais on peut quand même faire une évaluation raisonnable en se basant sur le fait que les petits objets typiques de la ceinture de Kuiper reflètent 10% de la lumière du soleil qui frappe leur surface. Ainsi, on connaît la luminosité d’un objet de 400 kms de large, donc on peut utiliser cette donnée pour les mesurer. Ce qui fait qu’a priori, il y aurait 60 objets de cette taille - ou plus larges - dans la ceinture de Kuiper (dont Pluton, Eris et Makemake), et un (Sedna) dans la région située au-delà de la ceinture de Kuiper.

Et ce n’est pas tout. Notre meilleure estimation nous porte à penser que l’exploration complète de cette région du système solaire doublerait ce chiffre. Pour l’instant, le nombre d’objets ronds du système solaire est de 70 – avec les « planètes » - mais ce nombre augmentera énormément quand l’observation de la ceinture de Kuiper sera terminée. Et puis, au-delà de la ceinture de Kuiper il peut y avoir encore plus de planètes naines que dedans, nous estimons donc pour l’instant leur nombre à 2000 objets ronds dans le secteur où gravite Sedna.


Alors compte tenu de tous ces éléments, la victoire du « grand débat sur la définition de la notion de planète » va raisonnablement par défaut au camp qui en compte seulement 8. Qu’on apprécie ou non l’esthétique du camp à 8 planètes, on est obligatoirement contraint à disqualifier le camp « tout ce qui est rond est une planète » parce qu’il dénature complètement ses propres schémas de classification scientifiques. Je ne dis pas bien sûr – et j’insiste sur ce point – que le système de classification à 8 planètes est meilleur que celui qui aboutit à en compter 70 et sans doute beaucoup plus dans l’avenir. Tout ce que je dis c’est qu’il est impossible de discuter du bien fondé de la définition à 8 planètes, tant que la définition à 13 est basée sur une classification scientifique erronée.


Comment cette erreur fondamentale a pu être commise ? Si on croit à l’importance primordiale des objets ronds, on se doit pour le moins de faire l’effort de comprendre comment et pourquoi ce qui est rond l’est, ou ne l’est pas. En fait, j’ai comme l’impression – et certains pourraient me traiter de paranoïaque en la matière ! – que tout cela a été fait exprès. Il est évident que l’astronome qui défend la définition « tout ce qui est rond est une planète » sait parfaitement qu’il y a bien plus que 13 objets ronds dans le système solaire. Alors pourquoi prétend-il que ce n’est pas le cas ? Je suspecte que c’est parce que tout simplement, un chiffre comme 13 passe beaucoup mieux qu’un chiffre comme 70, que personne ne pourrait avaler. Parce que de vilains astronomes un peu « cheaps » ont été très méchants avec les 4 objets exclus dans la définition à 8 planètes ! Et puis, plaider pour 70 planètes, c’est se positionner en extrémiste, et ce n’est pas immaginable …

Au bout du compte, si on s’en donne vraiment la peine, il y a aussi de très bons arguments esthétiques pour défendre une définition à 70 planètes, alors pourquoi pas ? Il suffit juste de s’en donner la peine … Il faudrait l’avoir vraiment ce débat, ce serait intéressant … mais il n’a toujours pas eu lieu … En tout cas, il faut arrêter de pratiquer une science de mauvaise qualité, et surtout de le faire exprès.





Dr Brown, astronome