"Apprenez vos théories aussi bien que vous
le pouvez puis mettez les de côté quand vous entrez en contact avec le
vivant miracle de l'âme humaine." C.G Jung
Ayant
fermé son site consacré à Dane Rudhyar et sa philosophie, Adèle m'a
confié la sauvegarde de son travail que vous retrouvez donc ici. Bonne
lecture .....
Traductions
par Adèle de textes de l'astronome Mike Brown qui s'était largement
exprimé suite au changement de statut de la planète Pluton de notre
système solaire.
Le
statut astronomique des planètes
Le
24 août dernier, l’UAI (Union Astronomique Internationale), réunie
à Prague, a proposé une nouvelle définition à la notion de
planète, après un an de délibérations et de recherches en
symposiums entre astronomes dans le monde entier. Cette réflexion
est née de la découverte, par l’équipe du Dr Brown - découvreur
entre autres de Sedna il y a deux ans - de 2003UB313 l’année
dernière, dans la ceinture de Kuiper, aux côtés de Pluton. Tant d’
« objets » tout à coup, nécessitaient bien sûr un nouveau type
de réflexion par rapport au système solaire et à son
fonctionnement, à son "agencement".
Je
me propose de vous traduire aujourd’hui le texte que le Dr Brown a
entré dans son site http://www.gps.caltech.edu/~mbrown/eightplanets/à la suite de cette décision,
texte dans lequel il donne son sentiment sur le fait que la jusque-là
9ème planète du système solaire, Pluton, venait de perdre son
statut de planète, pour entrer dans un autre « club », celui des
planètes « naines », celles qui ne répondent pas au troisième
des critères qui définissent maintenant la notion de
planète. LES
HUIT PLANETES
Le
24 août 2006 il a été donné au mot planète sa première
définition scientifique, par un vote de l’Union Astronomique
Internationale. Quelques cartons jaunes levés au sein de cette
assemblée, ont enlevé à Pluton son statut de planète et l’ont
rétrogradée au statut de "planète naine". L’objet
2003UB313, qu’on appelle parfois Xena, parfois la 10ème planète,
mais qui n'a pas encore reçu de nom officiel par l'UAI, et qui a
d’ailleurs précipité le débat final, devient la plus grande des
planètes naines. A moins que les astronomes reprennent le débat à
un moment donné dans le futur, il y n’y a plus aucune chance pour
qu’il y ait maintenant plus de 8 planètes dans le système
solaire.
Quel
est le problème des 9 (avec Pluton) ou 10 planètes (avec 2003UB313)
?
Pluton
et 2003UB313 sont significativement plus petites que les autres
planètes. Si vous aviez à classifier les objets évoluant dans le
système solaire, sans aucune idée préconçue, avec un regard
complètement neuf sur le sujet et les catégories dont il est fait,
vous ne pourriez arriver qu’à une seule conclusion : les planètes
géantes – Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune – appartiennent à
une catégorie, celle des planètes essentielles ; les quatre
planètes terrestres - Mercure, Vénus, la Terre et Mars –
appartiennent à une autre catégorie, et ainsi de suite pour tous
les autres objets, que l’on peut classer chaque fois dans une
catégorie différente. Par exemple, vous ne mettriez certainement
pas Cérès, le plus gros des astéroïdes, dans la catégorie des
planètes, vous le mettriez avec les autres astéroïdes. De même,
vous ne regrouperiez pas certainement tous les objets qui gravitent
au-delà de Neptune dans une autre classification que celle des
objets gravitant dans la ceinture de Kuiper. Les neuf (ou dix) «
planètes » que l’on comptait précédemment, appartenaient à des
groupes différents, celui des planètes géantes, celui des planètes
terrestres ainsi que celui des objets de la ceinture de Kuiper, pour
ne prendre que deux des plus gros objets qui y gravitent. Et il est
donc vrai qu’utiliser le terme de planète dans ce cas n’a
strictement aucun sens, scientifiquement
parlant.
Deux
solutions pour régler le problème de Pluton et de 2003UB313 :
-
Ne faire l’impasse d’aucun petit morceau de glace
Les
astronomes ont deux options pour définir une planète. La première
étant de conserver l’idée que ce qui fait qu’une planète est
une planète, c’est qu’elle est grande, ronde, et en orbite
autour d’une étoile. D’ignorer tout ce qu’on peut savoir
d’autre et de se concentrer uniquement là-dessus.
.
Pourquoi ronde ? Parce que si on place un bloc de pierre dans
l’espace, a priori, il va rester comme il est, aussi irrégulière
que soit sa forme. Si quelques autres morceaux de pierre viennent s'y
ajouter, sa forme restera toujours irrégulière ; mais si beaucoup
d’autres morceaux de pierre viennent s'y ajouter, au bout d’un
moment, à force de tourner autour d’une étoile, sa forme
s’arrondira. Et la transition
d’objet à forme irrégulière à un objet à forme ronde est très
importante dans le système solaire : c’est grâce à elle que l’on
peut dire si un objet a vécu, ou non, des processus géologiques
et planétaires
significatifs (il y a bien sûr beaucoup d’autres transitions
d’importance égale à prendre en compte, mais elles ont
apparemment été mises de côté par les personnes qui viennent de
redéfinir la notion de planète … ce qui n'est pas très grave
parce que les seuls paramètres pris en compte suffisent à poser une
définition).
.
Bien entendu, pour ne parler QUE de ce qu’est un objet planétaire,
et se concentrer uniquement sur lui, il faut aussi mettre de côté
le fait qu’il puisse tourner autour d’un autre objet planétaire,
tout simplement parce qu’on ne peut pas considérer qu’une boule
de glace de 400kms, même si elle a une géologique intéressante,
puisse entrer dans la même catégorie qu’une autre boule de glace
de 5000kms comme Titan par exemple, qui a une atmosphère massive,
des lacs de méthane, qui orbite autour d’une planète, quel que
soit le nom qu’on lui donne, satellite ou autre. Pour la plupart
des gens, dire d’un satellite, même s’il est rond comme notre
Lune, que c’est une planète, c’est violer la notion de
planète.
.
L’autre difficulté, c’est qu’avec ce type de définition basé
sur le fait qu’un objet doit être rond pour qu’on l’appelle
une planète, on peut se retrouver du jour au lendemain avec 50
planètes dans le système solaire, et pourquoi pas des centaines
dans un futur proche, au fur et à mesure des découvertes des
astronomes. Un tel changement du nombre de planètes est un enjeu
quasiment ingérable si on souhaite donner une vraie définition au
mot planète. Il y a aussi qu’on pourrait ensuite dire qu’un
objet n’aurait même pas besoin d’être rond pour être nommé
planète, et puis de toutes façons la plupart des astronomes ne
pourraient même plus se mettre d’accord pour savoir quels
paramètres de transition
utiliser pour dire que ceci est un caillou, tandis que cela est une
planète …
C’est donc pourquoi une redéfinition «
radicale » de la notion de planète vient d’être proposée par
l’UAI, tout en rencontrant d’énormes oppositions. En tout cas,
le résultat c’est déjà qu’on ne définira pas une planète en
se basant sur le seul critère que ce serait un objet rond du système
solaire.
-
Prendre les circonstances en compte
L’autre
définition scientifique qui a du sens, c’est celle qui reconnaît
que tout système de classification doit intégrer la notion de «
circonstances ». En l’occurrence : où se trouve l’objet, quels
sont les autres objets qui orbitent dans le même secteur, même si
ces objets sont des satellites. Dans ce cas les 8 planètes
actuellement retenues entrent dans une catégorie qui leur est propre
: elles sont des masses dominantes dans leur secteur de l’espace,
elles ont nettoyé leur voisinage de toute autre masse significative,
et elles ont intégré dans leur propre masse tout ce qui pouvait se
situer autour d’elles sur leur orbite. Il se trouve par ailleurs
que ce genre de définition ne serait pas valable pour d’autres
systèmes plus jeunes, par contre pour le système solaire, elle
l’est, parce que depuis le temps qu’il existe, les gros objets -
ou planètes - ont largement eu le temps d’y intégrer tout ce qui
se trouvait sur leur route.
Un
des meilleurs moyens d’envisager cette définition, c’est de
prendre en compte différentes régions de l’espace. La ceinture
d’astéroïdes, par exemple, est une collection de petits corps
rocheux située entre Mars et Jupiter et qui a plusieurs millions de
membres. Le plus grand de ces astéroïdes, Cérès, n’a pas de
masse assez forte pour commencer à assimiler d’autres astéroïdes,
ni même pour les repousser hors du système solaire. En fait, il n’y
a pas de masse dominante dans la ceinture d’astéroïdes. Et on
pourrait dire la même chose de Pluton et de 2003UB313 (qui ont
sensiblement la même taille) dans la ceinture de Kuiper, qui compte
elle aussi des millions d’objets. Leur taille ne les rend pas
dominants dans leur secteur, parce que leur masse n'attire pas
d'autres objets à elles.
Par contre, les 8 planètes
retenues par l’UAI passent le test de cette définition avec
aisance, elles ont toutes intégré à leur masse tout ce qui se
trouvait dans leur voisinage, elles sont les corps dominants de leur
propre région de l’espace.
C’est
donc cette vision des choses qui a été adoptée par l'UAI. Sans
doute aussi à cause du processus assez chaotique qui a eu lieu entre
astronomes, avant qu’ils n’arrivent à prendre leur décision,
cette définition n’est pas aussi aboutie qu’elle pourrait
l’être, parce qu’elle laisse encore place à la discussion sur
tel ou tel point. Ce qu’il faut retenir, cependant, c’est que la
différence qui existe entre les 8 planètes retenues et le reste des
objets gravitant dans le système solaire est tellement énorme, que
toute autre définition, peut-être plus détaillée, n’y
changerait pas grand chose. Si par exemple vous tracez une ligne au
milieu de l’Atlantique pour marquer la différence entre l’Amérique
du Nord et l’Europe, vous faites le truc le plus imprécis possible
en matière de définition. Ce que je veux dire c’est que même si
la définition que vient de donner l’UAI est effectivement
discutable, par contre le « concept » qu’elle recouvre est lui
solide comme le roc, et il ne laisse place à aucun doute sur les
objets qui appartiennent à la catégorie « planète » et sur tous
les autres …
Quelques-unes
des questions soulevées par les astronomes au cours de cette année
de réflexion ayant abouti à la redéfinition de la notion de
planète. Et les réponses qu'y apporte le Dr Brown.
-
Qu’en est-il du fait que l’orbite de Pluton croise celle de
Neptune ?
Il
est faux de dire que Pluton serait automatiquement disqualifiée en
tant que planète, tout simplement parce que son orbite croise celle
de Neptune. Pluton a été disqualifiée parce qu’elle se trouve
dans la ceinture Kuiper et qu’elle n’a pas intégré la plupart
des astéroïdes qui y gravitent avec elle et parce qu’elle n’est
pas non plus dominante dans cette ceinture. Pluton est seulement une
astéroïde parmi une multitude d'autres astéroïdes. Il est donc
juste de la classifier comme elle vient de l’être.
Le
fait que l’orbite de Pluton croise celle de Neptune veut dire
cependant que c’est Neptune qui n’a pas encore nettoyé et
intégré tout son voisinage. Pourquoi ceci n’a pas été pris en
compte dans la décision finale de l’UAI ? Parce que comme je vous
le disais précédemment, cette décision finale a été prise
hâtivement, et qu’elle n’a pas intégré TOUS les facteurs de
discussion qui étaient en cours. Par contre, et je le répète : le
CONCEPT de planète, lui, est solide et à 100% indiscutable. Il est
fiable. Il est plus important qu’une éventuelle relecture tardive
de la nouvelle définition de planète.
La
masse de Neptune est 8000 fois plus grande que celle de Pluton, et
c’est elle qui domine entièrement la région de la ceinture de
Kuiper où se trouve Pluton. D’ailleurs la plus grande quantité de
ce qui se trouve dans la ceinture de Kuiper y a été accumulé par
Neptune, mais seule une petite partie de cette ceinture, et justement
celle qu’on appelle « les Plutinos » accompagne Neptune depuis sa
formation. On sait maintenant que Neptune s’est formée plus près
du Soleil, et que dans son mouvement vers l’extrémité du système
solaire, elle a toujours été accompagnée par ces Plutinos qu’elle
a contraints à orbiter un peu plus loin qu’elle (en proportion de
2 à 3 par rapport à la distance au Soleil). Pluton est le plus
grand de ces Plutinos, mais ils n’existent encore que parce que
Neptune est leur planète dominante.
Après
on peut toujours discuter sur le fait de savoir pourquoi Neptune n’a
pas intégré Pluton, si on veut, ça n’a pas grande importance en
termes de définition de planète. Le fait que Neptune domine
complètement Pluton est la meilleure démonstration possible à
apporter au fait que le CONCEPT adopté par l’UAI est excellent et
solide.
-
Qu’en est-il de Jupiter et des astéroïdes Troyens ?
On
sait que Jupiter (et maintenant aussi Neptune) ont des astéroïdes
dans leur orbite, sauf 60° en avant d’eux et 60° en arrière. Ces
deux points s’appellent les points Lagrange. Il se trouve que la
masse de Jupiter excède de plusieurs millions celle de ces Troyens.
Comme pour Pluton et les Plutinos par Neptune, ces Troyens sont
capturés par Jupiter et ne se trouvent où ils sont que parce que
Jupiter domine leur mouvement. Jupiter est tellement puissant dans
cette région de l’espace qu’il a même empêché la ceinture
d’astéroïdes de s’accumuler pour former une planète.
-
Qu’en est-il des astéroïdes proches de la Terre ?
Il
y a des astéroïdes et des comètes dans tout le système solaire,
mais qui ne restent pas comme les autres, soit dans la ceinture
d’astéroïdes, soit dans la ceinture de Kuiper. Certains d’entre
eux par exemple, sont proches de la Terre. Mais ce n’est pas parce
qu’ils sont là que pour autant, on ne peut pas définir la notion
de planète. Le concept de dominance fait toujours loi en
l’occurrence, ainsi que celui de « nettoyage » du voisinage des
planètes. Tous les autres corps célestes non planétaires qui
flottent dans le système solaire ont des orbites instables, ils
peuvent être éjectés n’importe quand de l’endroit où ils se
trouvent, jusqu’à l’extérieur du système solaire, ils peuvent
d’ailleurs aussi être intégrés par la planète qui passera à
leur portée. C’est d’ailleurs exactement de cela que les
astronomes parlent quand ils parlent de « nettoyage ».
L’intégration des astéroïdes et des objets gravitant dans
l’espace, par les planètes dominantes. Ce processus existe depuis
toujours, et il ne prendra jamais fin.
-
Qu’en est-il de la Lune ?
La
Terre n’a pas intégré la Lune, alors pourquoi la Terre est-elle
une planète ? parce que la Terre, comme Neptune avec les Plutinos et
Jupiter avec les Troyens, domine complètement l’orbite de la Lune.
Et leur paire domine tout ce qui se trouve alentour.
-
Qu’en est-il des astronomes qui disent que la nouvelle définition
de la notion de planète est « pauvre » ?
Il
en est qui pourraient ergoter sur la nouvelle définition pendant des
heures, mais aucun astronome rationnel ne peut être en désaccord
avec le concept. Peut-être qu’on pourrait trouver d’autres mots
pour la définition, par contre la conception de ce qui sépare
maintenant une planète de quelque chose qui n’en est pas une, est
claire pour absolument tout le monde.
Je traduis cette page du site du Dr Mike
Brown seulement aujourd’hui, parce que je lis beaucoup de choses
fausses à son sujet un peu partout sur le net, dans les sites
d’astronomie surtout, d’ailleurs. Ce sera donc ma façon à moi,
non de le défendre, puisqu’il n’a vraiment pas besoin de moi
pour ça !, mais en tout cas de remettre un peu les choses en place.
J’ai comme l’impression qu’il y a des liens entre le fait qu’il
soit – par sa découverte de 2003UB313 alias Xena et maintenant
officiellement Eris – à l’origine de la disparition de Pluton du
cercle des planètes « officielles » du système solaire, et le
fait qu’on le traite plutôt mal, qu’il subisse cette sorte de «
rejet » inconscient dont sont généralement victimes ceux qu’on
appelle les « plutoniens ». Sans doute que dans les temps qui
viennent il faudra trouver un autre terme que « plutonien » pour
exprimer cela, c’est notre travail à nous d’astrologues de le
faire, mais notre pensée n’est pas encore arrivée à terme sur ce
sujet. Nous en sommes encore au stade du défrichage et c’est une
période vraiment intéressante à vivre …
Dans
le monde entier, il y a des gens qui pleurent la perte de Pluton, son
éviction du panthéon des planètes par les astronomes qui ont voté
à une majorité écrasante en faveur d’une définition du mot «
planète » qui ne retient plus que les 8 premières planètes. On
parlait de ce changement de classification depuis des années, il n’a
donc surpris personne. Et ce vote remet seulement en place une erreur
astronomique vieille de 76 ans, tandis qu’il manifeste aussi que
l’astronomie est capable d’évoluer, lorsqu’elle se retrouve
face à une information nouvelle concernant le système solaire.
Pluton est donc maintenant classé avec les autres objets de la
Ceinture de Kuiper découverts récemment, au lieu de rester « collé
» n’importe comment aux planètes.
J’ai reçu un nombre
incalculable de coups de téléphone me demandant des commentaires et
de m’exprimer au sujet de Pluton. Je comprends parfaitement que les
gens se sentent en « deuil » de Pluton, que ça les ennuie qu’il
ne soit plus une planète. Parce que bien sûr Pluton, en tant que
planète, faisait partie du paysage, de l’univers qui nous entoure,
de notre voisinage. Il faisait partie de nos vies tout simplement et
le déchoir de son statut de planète, c’est finalement aussi
douloureux à vivre que quand enfant, on perd son meilleur pote,
parce qu’il déménage au loin avec ses parents et qu’on n’a
plus jamais de nouvelles de lui. On se demande comment ça a pu
arriver ….
Je ne veux pas être insensible aux «
plutophiles », mais il y a aussi que Pluton, je n’ai pas très
envie d’en parler parce que j’ai mon propre deuil à faire.
Puisqu’en même temps que Pluton a été relégué dans la classe
des planètes naines, Xena (2003UB313) que j’ai découvert il y a
19 mois, a aussi été mis à la porte des planètes. Au cours des
mois écoulés, on l’appelait la 10ème planète parce c’est
l’objet le plus gros découvert dans le système solaire depuis 150
ans et que cet objet est même plus gros que Pluton. Et c’est cette
découverte qui au final a forcé la main des astronomes et les a
poussés à trancher.
Quand j’ai découvert que
2003UB313 était plus gros que Pluton, j’ai appelé ma femme et je
lui ai dit « Je viens de découvrir une 10ème planète ». Et hier,
après la décision de l’UAI, j’ai fait la même chose. J’ai
appelé ma femme et je lui ai dit que 2003UB313 venait d’être
enterré avec Pluton. Elle n’y croyait pas … C’était dur pour
elle, parce que la 10ème planète, elle s’y était habituée, elle
la connaissait si bien … Elle a réagi comme les millions de fans
de Pluton qui s’y sentaient émotionnellement attachés. Pour nous,
Xena était bien plus que la 10ème planète. Nous avions appris à
la connaître au cours de l’année écoulée. Nous connaissions sa
Lune (Gabrielle, bien sûr), nous connaissions merveilleusement bien
sa surface brillante, nous connaissions la croûte gelée dont son
globe est complètement entouré. Nous avions discuté pendant des
heures de son nom, de son orbite, et aussi de la multitude d’objets
qui lui ressemblent et qui restent à découvrir dans la ceinture de
Kuiper. Elle faisait déjà partie de notre espace mental, au même
titre que Pluton pour tout un chacun. D’une certaine façon,
c’était pour nous l'homologue de notre fille Lilah, qui était
venue au monde trois semaines avant que Xena ne se soit révélée.
Tout ce qui se passe autour de la naissance d’un enfant, les nuits
sans sommeil, la joie incroyable, une confusion immense aussi, tout
cela est accompagné maintenant dans nos mémoires du délire que fut
l’annonce de la découverte d’une 10ème planète, la nécessité
de travailler mille fois plus que d’habitude, d’écrire des
papiers pour rendre compte de l’avancée des travaux, de trouver un
maximum de télescopes qui puissent se tourner vers l’objet, etc
... Et voilà qu’à peine quelques jours après son premier
anniversaire, elle s’en va …
Mais les astronomes ont fait
ce qu’il fallait ! Xena n’est pas vraiment partie. Elle reste
pour l’instant la plus grande de la classe des planètes naines où
elle mérite bien sûr de se trouver. Et d’ailleurs maintenant
qu’elle appartient à une vraie classification elle va avoir droit
aussi très bientôt à un vrai nom (ndlt : ce qui est fait depuis
hier, puisque c’est Eris maintenant). Mais ma femme et moi, entre
nous, l’appellerons toujours Xena. Il est possible que Lilah
n’apprenne rien à l’école sur Xena, mais nous, nous lui dirons
un jour que quand elle avait trois semaines, le monde a entendu
parler de la 10ème planète. Nous sortirons la boîte où nous avons
rangé tout ce qui concerne Xena et nous lui raconterons tout ce qui
s’est passé au cours de l’année où Lilah et Xena enflammaient
nos esprits et où nous ne pouvions plus imaginer l’univers sans
elles.
Eris
(2003UB313 - ex-Xena) / Vision d'artiste (Thierry Lombry)
Crédit
de l'image: Nasa
Mike Brown -
l'astronome de Caltech-Edu dont j'ai déjà traduit dans ce chapitre
(avec son autorisation bien entendu) tous les textes fondamentaux
concernant la découverte d'Eris et conséquemment le déclassement
de Pluton de son statut de planète - tient un blog sur
son site, dans lequel il entre
toutes les semaines un billet d'humeur. Je ne résiste pas au plaisir
de vous proposer la traduction de celui du 26 janvier dernier, qu'il
a intitulé "J'aime les astrologues" !
-------------------------------------
Surtout, ne
le dites à aucun de mes collègues astronomes, mais j’adore les
astrologues. Vraiment.
N’allez pas vous méprendre non plus
: je ne crois absolument pas que la position des planètes, des
étoiles ou des lunes, ou de quoique ce soit d’autre qui se meut
dans le ciel, ait jamais eu de contrôle sur nos vies, nos actions ou
nos choix. Vraiment, vraiment pas …
Alors, si je ne crois
pas à ce qui est manifestement le précepte central de l’astrologie,
comment puis-je donc clamer que j’aime les gens qui la pratiquent ?
Permettez-moi de m’expliquer : les astrologues se soucient du ciel
et de la position des étoiles et de la lune. Moi aussi. Les
astrologues cherchent à comprendre le mode de fonctionnement des
orbites des planètes et de leur mouvement, et à en déterminer la
signification. Moi aussi. Au sens large, nous faisons souvent la même
chose, c’est juste que nos méthodes sont
différentes.
L’astrologie et l’astronomie sont soeurs, et
leurs racines sont plus profondes que les 5 premières lettres de
leurs noms. Jusqu’au siècle des Lumières, elles étaient même
inséparables : Copernic, qui a réalisé un des plus grands sauts
conceptuels de l’histoire de l’humanité en sortant la Terre du
centre de l’univers humain pour la remplacer par le Soleil, était
astrologue. Il calculait ses graphiques astrologiques avec autant de
ferveur qu’il essayait de comprendre le mouvement des planètes. Il
n’est donc pas compliqué de comprendre pourquoi il avait le
sentiment qu’il y avait des connexions entre les deux matières. De
toutes façons, je pense pas qu’on puisse passer sa vie à observer
les rythmes qui donnent leur impulsion aux mouvements des planètes,
du Soleil et de la Lune, sans en venir à trouver du sens à leur
beauté, leur précision et leur symétrie.
Mais malgré leur
éducation commune, les sœurs se sont divisées à l’âge adulte :
elles ont conservé leur intérêt commun pour le ciel, mais elles se
sont mises à l’observer de façon différente. L’astronomie
s’est déplacée sur le terrain de l’objectivité purement
descriptive, donc sur le terrain de la science, et quelle merveille
que cette science ! Le soir, je peux sortir, lever la tête et
admirer la brillance de l'étoile Bételgeuse, la sphère rouge dans
le coin supérieur droit de la constellation d'Orion, et je peux
aussi vous donner une version très précise du récit de sa
naissance dans un nuage de gaz et de poussière, je peux vous
raconter ensuite sa longue existence d'étoile, du temps où elle
était petite et calme, quand les atomes d'hydrogène qui la
composent fusionnaient en son centre, je peux vous dire encore sa
récente expansion en boule de gaz de la taille de l'orbite de Mars.
Que nous ayons été en mesure de déterminer son histoire, rien
qu'en observant son tout petit point de lumière dans le ciel est
aussi improbable a priori, que cela est incroyable ... Quand je
regarde Bételgeuse dans la nuit, et que je me mets à penser à tout
ça, je reste, encore et toujours, émerveillé.
Et
l'astrologie ? Est-elle capable de rivaliser avec ça en termes de
merveilleux ? Le scientifique que je suis ne croit pas un seul
instant qu'elle soit capable de tout me dire de mon histoire, de mon
passé, de ma personnalité ou de mes écueils. Ou même de ceux de
quiconque. Est-elle pour autant potentiellement dangereuse ? Je ne
pense pas. L'astrologie est la soeur qui a conservée intacte sa
fascination pour le ciel, mais tandis que l'astronomie acquérait un
intérêt croissant pour le domaine des sciences, son intérêt à
elle croissait pour l'humain. Mais l'astronomie scientifique, cette
sublime fabrique de connaissance et de merveilleux, ainsi que ses
incroyables découvertes, laisse les gens et leur conscience en
dehors de l'image. L'astronomie
invite les gens à regarder le ciel, mais le ciel ne les regarde pas
en retour. Par contre, l'astrologie n'a jamais rompu le lien entre le
ciel et les gens qui l'observent.
Mais, mais, mais ....
protestez-vous ! Il n'y a aucune connexion entre le ciel et les gens
! C'est vrai, le ciel ne nous observe pas ! Mais si ceci est une
vérité scientifique toute simple à énoncer, en réalité elle est
fausse, culturellement parlant, parce qu’elle se place sur le plan
strictement littéral, alors qu’elle devrait se placer sur le plan
littéraire. La bonne astrologie peut se comparer à la bonne
littérature, parce qu’elle construit un monde qui n’est pas le
monde réel, mais qui nous en apprend bien plus sur nous-mêmes que
nous n’en apprendrons jamais en nous regardant simplement dans un
miroir. Le roi Lear et ses trois filles qui ont divisé son royaume
n’ont jamais existé, mais pour autant, méprisons-nous tout ce que
Shakespeare a écrit à leur sujet ? Non, bien sûr, nous lisons son
œuvre et nous pensons aux relations entre parents et enfants, nous
pensons à la loyauté, à la vérité, aux complots, nous en
apprenons davantage sur nous-mêmes et sur notre monde. Nous nous
enrichissons d’histoires qui n’ont pas de réalité
objective.
N’allez pas entendre ce que je ne dis pas,
n’est-ce pas … Je ne dis absolument pas que toute l’astrologie
équivaut à Shakespeare, pas plus d’ailleurs que d’autres genres
en littérature. Dans le magazine que j’ai sous les yeux par
exemple, cohabitent très bien des articles de fond, des nouvelles et
un horoscope. Je suis Gémeaux (ce qui explique sans doute ma
capacité à accepter la dualité Astronomie /Astrologie !) et pour
le mois de janvier de cette année, cet horoscope me dit « Comme
votre attention est dispersée par votre intérêt pour une grande
variété de sujets, vous n’allez rien pouvoir creuser.
Arrêtez-vous, respirez un bon coup, ne serait-ce que pour retrouver
votre sens de la perspective. »
OK, je n’ai besoin d’aucun
astrologue pour me le dire, mais comme tout un chacun, je ne peux pas
m’empêcher de lire mon horoscope, et en plus je trouve que cette
assertion est extrêmement juste. Donc, je vais respirer un bon coup,
et je vais retrouver mon sens de la perspective, ce n’est pas une
mauvaise idée ! D'ailleurs, quelques pages avant l’horoscope, dans
ce magazine, une des petites nouvelles aboutit à peu près à la
même conclusion que mon horoscope, et elle le fait sur trois pages …
Alors maintenant que j’ai lu les deux, j’en suis totalement
convaincu : je dois absolument m’arrêter pour retrouver mon sens
de la perspective … en tout cas dès que j’aurai été au bout
des projets que j’ai actuellement en cours !
Alors … mais
qui sont les Shakespeare de l’astrologie ? Je dois admettre que je
ne les connais pas. Mes lectures astrologiques restent passives ;
parfois je reçois des textes que je range soigneusement, parce
qu’ils concernent mes découvertes astronomiques et ils
m’intriguent énormément comme celui qu’a écrit Henry Seltzer
sur Eris dans le «
Mountain Astrologer » (*) :
«
L’astrologie d’Eris semble reliée au combat naturel que l’humain
doit mener pour rester en vie, aussi violent qu’il puisse être.
Eris, sœur du Dieu de la guerre, Mars, est allée volontairement au
combat et il est vrai que la nature humaine, dans sa lutte pour la
survie, est restée à moitié animale, elle en a toute la violence.
Dans les années 60, à l’époque des Hippies, on ne voyait que le
versant rose de l’être humain, on vivait dans le monde de Oui-Oui
et de Bambi qui gambadait dans l’herbe verte et s’abreuvait à
l’onde pure des ruisseaux … Mais derrière cette image idyllique,
jamais la mort n’a disparu, ni celle de l’homme, ni celle de la
nature, tous les « enfants » de la terre ont besoin de manger et
font ce qu’il faut pour parvenir à leurs fins, que ce soit violent
ou pas. Eris est liée à cette violence-là, la violence comme
composante naturelle de l’existence. Elle est liée aussi à la
notion de femme « guerrière » qui incarne tout particulièrement
les luttes pour les droits des femmes dans une société patriarcale.
»
Si on se reporte à ce qui se passe dans la psyché
américaine nationale à la fin de l’année 2007, on ne peut pas
dire que le tableau que dresse Henry Seltzer soit si mauvais que ça.
Il recouvre la guerre en Irak, le réchauffement planétaire, et même
la candidature d’Hilary Clinton à la Présidence, ainsi que les
combats qu'elle mène en tant que sénateur démocrate. Mais il n’en
reste pas moins que ce n’est pas parce qu’un objet a été «
nommé » dans le ciel que cela est advenu …
Alors, où se
trouve donc l’intérêt de l’astrologie, dès lors que l'on
choisit de la prendre uniquement au figuré plutôt que de façon
littérale ? Je le répète : on peut poser la même question au
sujet du Roi Lear, et on peut poser la même au sujet de la Bible. Et
on ne le fait pas … parce que si on le faisait, on passerait
totalement à côté de l’intérêt des écrits de Shakespeare et
de ceux de la Bible.
La question que l’on devrait donc se
poser est la suivante : pourquoi tolérer l’existence de
l’astrologie, considérant le danger qu’il y a à la prendre de
façon littérale, étant donné qu'ainsi, elle peut semer la
confusion dans les esprits et distordre complètement l’approche
scientifique des domaines qu’elle recouvre ? Pourquoi prendre au
premier degré les conseils lapidaires des horoscopes et prétendre
qu’ils sont en quelque sorte liés à une constellation du Zodiaque
? Pourquoi lire la « littérature » astrologique qui vise à
analyser en profondeur les conséquences de la découverte de boules
de roches et de glaces aux confins du système solaire et à
démontrer ensuite qu’elle affecte l’ensemble de l’humanité ?
Il n’y a aucune raison … Personnellement, je préfère me
cantonner à de la littérature de meilleure qualité, elle me fait
beaucoup plus réfléchir, elle m’apprend mille fois plus.
Mais
le fait est que je ne peux pas m’empêcher d’aimer l’astrologie
et les astrologues. Parce que l’astrologie n’est pas seulement de
la littérature « figurative » sur l’humanité, elle aime la
voûte céleste, tout autant que moi. Il m’arrive de correspondre
avec des astrologues qui me parlent de leur amour pour les
découvertes les plus récentes en astronomie, qui cherchent des
précisions sur les relations des planètes avec leur mode orbital,
qui spéculent sur ce qui pourrait se trouver au-delà du système
solaire, et comment tout cela « fonctionne » ensemble. Et j’aime
parler avec ces astrologues-là parce que nous avons exactement la
même façon de travailler, la même démarche. Mes pensées
m’amènent à réfléchir aux implications scientifiques de mes
découvertes. Les astrologues quant à eux réfléchissent à leurs
implications humaines. Pour moi, la seule chose qui compte, c’est
que nous partons du même endroit et que nous avons un intérêt
immense pour le ciel.
L’astrologie et l’astronomie sont
sœurs.
Être frères et sœurs ne signifie pas toujours faire les
mêmes choses ou faire les mêmes choix, mais maintenir des liens
identiques avec son origine, conserver une connexion forte.
Et si
ce n’est pas de l’amour, qu’est-ce que c’est ?
(*)
Le Mountain Astrologer est le plus ancien magazine d'astrologie des
Etats-Unis et le plus célèbre.
Cinq
ans déjà - Mike Brown et la ceinture de Kuiper
9 mars 2008
Voici la
traduction du dernier billet que Mike Brown a mis en ligne dans
son blog le 1er mars dernier,
parce qu'il exprime remarquablement bien à quel point la vitesse à
laquelle les découvertes en astronomie dans la région de la
ceinture de Kuiper et au-delà, augmente et accélère en même temps
la mutation planétaire dans laquelle nous sommes engagés à tous
les niveaux.
-----------------------------------
Cinq ans, c'est
long.
Il y pile 5 ans, puisque c'était au mois de mars aussi,
se tenait au Chili une conférence majeure sur la ceinture de Kuiper.
Des astronomes du monde entier se sont retrouvés dans une toute
petite ville côtière pour discuter des connaissances acquises sur
ce secteur du système solaire et de qu'ils pourraient en apprendre
dans le futur. A ce moment-là, nous savions déjà beaucoup de
choses sur la ceinture de Kuiper. En tout cas nous pensions que nous
en savions beaucoup. Mais les 5 ans écoulés depuis ont fait la
différence, et quelle différence !
Il y a 5 ans, le plus
gros objet non planétaire connu dans ce secteur était Quaoar et
nous considérions Pluton comme une planète. Aujourd'hui, Quaoar
n'est même plus dans le top 5 des plus gros objets de la ceinture de
Kuiper et Pluton n'est plus une planète, il a "rétrogradé"
au statut de 2ème plus gros objet de la ceinture de Kuiper.
Il
y a 5 ans, l'objet le plus éloigné qui y avait été repéré était
l'obscur 1999DG8. Il est situé 61 fois plus loin du Soleil que la
Terre, là où nous pensions à l'époque que se situait la frange
ultime du système solaire. Aujourd'hui, nous savons qu'Eris est
située 90 fois plus loin du Soleil que la Terre à l'extrémité de
son orbite, même si actuellement elle se trouve beaucoup plus près.
Et puis nous avons aussi découvert Sedna, ce que nous n'aurions pas
été capables de prévoir il y a 5 ans. Sedna se trouve actuellement
plus près du Soleil que ne l'est Eris, mais prochainement, elle va
commencer à s'éloigner : à son point le plus lointain, Sedna se
trouve à 1000 fois la distance Soleil / Terre. Elle met 12.000 ans à
faire le tour du Soleil, ce qui fait que la dernière fois qu'elle
s'est trouvée au point où elle orbite actuellement, la Terre en
était à l'époque de sa dernière ère glaciaire. Je me demande
souvent où en sera la Terre, quand Sedna reviendra orbiter près du
Soleil, en l'an 14.000 !
Il y a 5 ans, aucun des astronomes
assis à la table de cette conférence au Chili n'aurait pu imaginer
non plus qu'on découvrirait à la toute extrémité de la ceinture
de Kuiper, un objet tel que 2003EL61 - alias Santa - objet tournant
sur lui-même aussi rapidement et dont nous venons de comprendre
qu'il était le produit d'une collision massive à l'extérieur du
système solaire il y a environ 4,5 millions d'années. Personne
n'aurait pu croire non plus à ce moment-là que nous retrouverions
aussi de multiples éclats de cette collision et qu'ils nous
permettraient de commencer à reconstituer le noyau de la
collision.
Par contre, ce qui n'aurait surpris personne il y a
5 ans, c'est qu'on finisse par découvrir dans la ceinture de Kuiper
un objet plus gros que Pluton. La plupart des astronomes qui
travaillaient sur le secteur s'y attendaient et ils furent tout
simplement soulagés lorsqu'Eris apparut. En revanche, personne
n'aurait pu imaginer le débat dément de plus d'un an sur la notion
de planète qui s'en suivit, par contre je suis persuadé que les
astronomes qui assistaient à cette conférence il y a 5 ans, étaient
pratiquement tous déjà convaincus que ce n'était qu'en donnant sa
"juste" place à Pluton dans la ceinture de Kuiper, qu'il
serait ensuite possible de commencer à classifier correctement tous
les objets extérieurs au système solaire.
On m'a raconté
que cette conférence au Chili, il y a 5 ans, était passionnante. Je
n'ai pas eu le plaisir d'y assister. J'ai étais aussi au Chili à ce
moment-là, mais en Patagonie, où je faisais une randonnée avec ma
femme. C'était notre lune de miel ! Nous nous sommes mariés le 1er
mars 2003. Cinq ans déjà !
Aurait-on
(re)découvert la planète X ?
Le
21 mars 2008
De Mike Brown –
traduction de son billet du 15 mars 2008 dans
son blog :
En
1846, plus de 50 ans après la découverte d’Uranus, les astronomes
John Couch Adams en Angleterre et Urbain Le Verrier en France, se
rendirent compte chacun de leur côté, qu’Uranus n’orbitait pas
tout à fait autour du Soleil comme ils pouvaient s’y attendre,
mais que la planète semblait perturbée par une force invisible. En
utilisant les méthodes les plus élaborées de leur époque en
matière de calcul et de physique, ils aboutirent à la conclusion
que seule une planète située au-delà d’Uranus pouvait la tirer
légèrement de son orbite. Ils savaient même où regarder
exactement pour observer le phénomène. Le Verrier avait contacté
l’astronome Johann Gottfried Galle à Berlin pour lui donner les
coordonnées précises de l’endroit où il devait pointer son
télescope et dès sa première observation, Galle vit apparaître
Neptune, miroitant au bout de sa lunette. Adams et Le Verrier avaient
vu juste et surtout les raisonnements qui les avaient conduits à
cette découverte étaient parfaitement exacts. C’était bien
Neptune qui écartait légèrement Uranus de son orbite et en suivant
cet écart, on tombait pile sur Neptune. La découverte de la
nouvelle planète fut célébrée comme une immense réussite dans le
champ de la physique. L’univers se mettait enfin à la portée de
l’esprit.
Si
on pouvait découvrir une planète ainsi, alors pourquoi pas d’autres
? Les astronomes se mirent très vite à observer l’orbite de
Neptune pour voir si elle n’était pas perturbée elle aussi. Ils
se servirent des mêmes méthodes qu’Adams et Le Verrier et
déterminèrent rapidement où situer une probable Planète X (X pour
inconnu et X pour 10 – bien qu’au moins un astronome ait aussi
appelé cet objet hypothétique Planète 0). Percival Lowell,
astronome issu d’une famille aisée de Boston, envisagea même de
construire tout un télescope (là où se situe maintenant
l’observatoire Lowell de Flagstaff en Arizona) dont le but unique
serait de découvrir cette nouvelle planète. Il est décédé avant
que son projet puisse démarrer sérieusement et en 1930, Clyde
Tombaugh, qui avait appliqué le programme de Lowell, découvrit ce
qu’il espérait bien trouver : Pluton, qui orbitait au-delà de
Neptune. La Planète X venait d’être découverte ! Sauf que ce
n’était pas la Planète X, on le sait maintenant … Pluton est
bien trop petite pour que Neptune la remarque ou qu’elle puisse
dévier, ne serait-ce qu’à peine, son orbite ! La découverte de
Tombaugh, bien qu’inspirée par les méthodes de Lowell, n’avait
rien à voir avec ce qu’il avait pu prédire ou espérer ;
aujourd’hui on sait que ses calculs de départ étaient de toutes
façons erronés : Pluton n’est pas la Planète X et Neptune reste
imperturbable sur son orbite !
Pourtant,
l’idée de découvrir au-delà de Neptune un objet énorme reste
tentante, et au cours des années, il s’est toujours trouvé des
astronomes pour expliquer par sa présence des évènements aussi
variés que l’extinction des dinosaures, l’orbite des comètes,
etc … La plus récente paraîtra dans le prochain numéro du
mensuel « Astronomical Journal » (le numéro d’Avril). Les
auteurs de l’article sont Patryk Lykawka et Tadashi Mukai de
l’université de Kobé au Japon. L’idée principale n’a pas
changé depuis 1845 : on recherche les conséquences
gravitationnelles d’une planète qui reste invisible. Mais Lykawka
et Mukai ont un avantage immense sur les chercheurs du début du
XXème siècle : ils ont beaucoup, beaucoup plus d’objets à
observer que leurs prédécesseurs qui devaient se contenter de
Neptune et d’Uranus. On a repéré et on connaît bien maintenant,
plus de 1000 « petits » objets gravitant au-delà de Neptune dans
la ceinture de Kuiper et chacun d’entre peut potentiellement être
affecté par une autre planète gravitant au-delà.
Dans
le système solaire extérieur, les petits objets de la ceinture de
Kuiper se comportent comme des débris déposés sur le sable par le
courant : ils permettent de tracer l’onde qui les a déposés là
et de mesurer l’intensité de la montée ou la descente des eaux
qui les charrient. Ils gardent donc la trace de catastrophes
lointaines qu’on ne peut plus observer, mais qu’on peut tout à
fait imaginer et reconstituer grâce à eux… Dans cette région du
système solaire, il s’agit principalement de « migrations »
d’orbites des planètes géantes qui tourbillonnaient autour d’eux.
Tout ce qui reste maintenant dans la ceinture de Kuiper, c’est
cette myriade de petits objets, mais il ne faut pas oublier qu’ils
sont le produit « intime » de l’évolution des planètes géantes
avant qu’elles deviennent ce qu’elles sont aujourd’hui et
qu’elles se « stabilisent ».
Cependant,
il y a aussi dans la ceinture de Kuiper des objets dont les orbites
ne peuvent pas être expliquées ainsi. La plus remarquable est
l’orbite extrêmement excentrique de Sedna, sa rotation de 12.000
ans autour du Soleil… et aux points les plus extrêmes de son
orbite, elle se trouve d’un côté à 80 fois la distance Terre –
Soleil et de l’autre à 1000 fois. Il paraît donc évident qu’une
orbite aussi décalée ne peut résulter que d’un choc
gravitationnel énorme, porté par « quelque chose » de très gros.
Mais quoi ? Il ne se trouve rien dans la région qui puisse
l’expliquer. Et même si Sedna est le cas le plus extrême
d’étrangeté orbitale dans la région du système solaire
extérieur, ce n’est pas le seul. Donc, qu’est-ce qui pourrait
expliquer la « réorganisation » de ces objets de la ceinture de
Kuiper, à part les planètes géantes ? Plusieurs idées ont été
proposées, chacune d’entre elles explique certaines anomalies,
mais aucune ne les explique toutes. Ces idées peuvent se ranger dans
trois catégories : il s’agirait d’un objet extérieur au système
solaire, d’un objet de l’intérieur du système solaire mais qui
a maintenant disparu, ou d’un objet qui est toujours dans le
système solaire, mais qu’il reste encore à découvrir.
La
proposition de Lykawka et Murai se situe dans la troisième catégorie
: ils démontrent que si un objet approximativement de la taille de
Mars s’est trouvé à un moment donné dans la ceinture de Kuiper
et que les conditions ont été réunies, non seulement l’objet
aurait pus provoquer un choc gravitationnel assez puissant pour
remodeler la ceinture de Kuiper et lui donner la forme qu’elle a
aujourd’hui, mais aussi que cet objet pourrait tout à fait se
trouver encore aujourd’hui sur une orbite assez distante du Soleil
pour avoir échappé à toute détection. Ce qui par ailleurs
éclairerait de façon assez précise tout ce qui se passe dans le
système solaire extérieur…
Mais
on n’a toujours pas découvert la Planète X ! Au contraire des
calculs d’Adam et Le Verrier, ceux de Lykawka et Murai ne
permettent pas de prévoir la région de l’espace où pourrait bien
se trouver l’objet, puisque la théorie qu’ils avancent concerne
uniquement des évènements qui sont advenus dans le passé lointain,
ce qui implique que l’éventuelle position actuelle de la Planète
X n’a plus d’effet, ou si peu, qu’elle ne peut donc être
déterminée. Par contre, la bonne nouvelle, c’est qu’au cours
des dernières années les recherches dans le système solaire
extérieur – dont les miennes – ont permis de commencer à
pointer les endroits où cet objet « pourrait » éventuellement se
trouver. Si jamais un objet aussi gros existe et qu’on puisse le
découvrir – pour autant qu’il se présente sous le bon angle –
demain, après-demain ou qu’il le soit plutôt par la prochaine
génération d’astronomes… ce n’est que dans les dix années à
venir que nous allons pouvoir nous donner les véritables moyens
techniques de le faire.
Alors
la prévision de Lykawka et Murai est-elle juste ? Peut-être …
Leur démonstration en tout cas, est minutieuse, exhaustive et très
réaliste : à l’évidence un objet de la taille de Mars, situé
dans le système solaire extérieur, peut tout à fait expliquer les
singularités qu’on y observe. Naturellement, ce n’est pas parce
que cet objet « pourrait » les expliquer qu’il existe pour
autant. Pour que ça fonctionne, Lykawka et Murai postulent aussi que
cet objet ait certaines caractéristiques : qu’il soit ni trop gros
ni trop petit, qu’il ne soit ni trop éloigné ni trop proche,
qu’il ait eu une « histoire » précise depuis sa formation à la
frange intérieure de la ceinture de Kuiper et qu’il ait été
éjecté par Neptune sur une orbite plus distante. Cela fait beaucoup
de postulats … et cela diminue d’autant la probabilité d’une
telle découverte.
D’ailleurs,
la possibilité de découvrir quoique ce soit d’autre dans le
système solaire s’amenuise de jour en jour. Prenons pour exemple
la Lune : elle ne tourne autour de la Terre que grâce à un impact
qui a eu lieu à la bonne vitesse et selon un angle très précis. Il
aurait suffi d’un tout petit écart de vitesse ou d’angle pour
que la Lune n’existe pas. Le système solaire tout entier n’est
peut-être que le fruit d’une coïncidence due au nuage de
poussière et de gaz d’une Supernova en fusion qui passait par là.
Et moi je suis marié à ma femme, suite à une chaîne de
coïncidences qui rendaient au départ notre rencontre il y a 7 ans,
totalement improbable… C’est vrai, sans les coïncidences, rien
n’existerait. Il n’empêche que les scientifiques évitent
soigneusement ce genre d’explications, parce qu’ils risquent de
perdre leur job ce faisant ! Ce n’est pas pour autant qu’elle ne
recèlent pas une part de vérité …
Quoiqu’il
en soit, je suspecte quand même que quelques astronomes vont ranger
cette nouvelle approche de la découverte de la Planète X dans le
rayon des étrangetés propres au système solaire extérieur, ils
vont la considérer comme plausible, même si elle est assez
improbable. De toutes façons, des explications sur le sujet, on va
en trouver d’autres, les observations continuent… et des
astronomes comme moi s’intéressent et s’intéresseront encore
longtemps à tout ce que d’autres qu’eux peuvent élaborer comme
théories sur cette région du système solaire. Après tout, qui
sait ? Lykawka et Murai ont peut-être déterré quelque chose ?
Peut-être aussi qu’un jour ou l’autre, quelqu’un pointera son
télescope au bon endroit et verra un objet très éloigné se
balader sur la route des étoiles. Et pourra dire, comme Galle dans
le télégramme qu’il a envoyé à Le Verrier après la découverte
de Neptune : « La planète dont vous aviez prévu l’emplacementexiste vraiment
».
La
fièvre des Plutoïdes
Jeudi
24 juillet 2008
Le 11 juin
dernier, Mike Brown rendait compte dans son blog de la décision du
comité de l'Union Astronomique Internationale, de nommer Pluton et
trois des objets découverts dans la ceinture de Kuiper par son
équipe : les Plutoïdes. En voici donc la traduction et vous pouvez
vous reporter au texte original ici :www.mikebrownsplanets.com/2008/06/plutoid-fever.html
Il
y a à peu près 2 ans, au cours de ce fameux débat très
controversé, au cours duquel le comité réuni a abouti au
déclassement de Pluton de son statut de planète à part entière
pour le faire entrer dans la catégorie des planètes naines,
d’autres décisions furent prises à son sujet, qui sont déjà
presque oubliées, si peu de temps après. L’une de ces décisions
était que Pluton était le « prototype » d’une nouvelle classe
d’objets célestes. OK. Très bien. Ce que cela représente
exactement est assez difficile à préciser. Mais pour autant que je
puisse l’exprimer, il s’agit plutôt d’une tentative d’être
quand même « sympa » avec Pluton, après l’indignité de son
déclassement. Comment d’ailleurs pourrais-je aller à l’encontre
de cela ?
L’autre décision qui fut prise était de donner
un nom à la nouvelle classe d’objets qui venait d’entrer en
lice. Si je me souviens bien, il a été proposé de l’appeler «
objets plutoniens ». Cette proposition a été adoptée à une marge
très réduite. Pourquoi ? Une nouvelle fois, c’est difficile à
dire. Sans doute que les astronomes présents étaient d’humeur
badine ! Alors finalement, cette classe d’objets est restée sans
véritable nom précis, avec la promesse – quasi une menace ! –
qu’un comité prochain s’en occuperait ensuite sans avoir à
voter sur le sujet.
Le comité avait parlé ! Et ensuite, il a
mis à peu près deux ans pour arriver au terme définitif de
Plutoïdes, qu’il vient de définir comme étant une
planète naine (ce qui veut dire
assez grande pour être ronde) située
au-delà de Neptune. Mais le comité
ne s’est pas arrêté là … il avait sans doute encore envie de
compliquer les choses : il a aussi décidé de n’attribuer le nom
de Plutoïde qu’aux planètes naines les plus brillantes,
c’est-à-dire à Pluton lui-même ainsi que trois autres de mes «
bébés » : Eris, 2005FY9 et 2003EL61.
On m’a demandé si
une controverse ou des chamailleries étaient possibles, si on
pouvait en venir aux mains ! mais je suspecte plutôt qu’il ne se
passera rien … Il fallait trouver un nom à une classe d’objets,
elle en a un maintenant qui me semble ne faire la part à aucune
controverse, bien qu’il ne soit pas très "parlant"… En
fait, le seul truc qui me dérange un tant soit peu, c’est la
référence à la « brillance » des objets de cette nouvelle
classe, et non à leur forme : si jamais Pluton se « couvrait » de
poussières, ce ne serait plus un Plutoïde. Ou alors quand Eris, qui
est intrinsèquement l’objet le plus brillant d’entre eux, sera
au plus près du Soleil (dans 290 ans), la glace qui se trouve à sa
surface fondra et exposera ses substrats les plus sombres, du coup,
non seulement il ne sera plus le plus brillant, mais il y a fort à
parier qu’on ne le verra plus du tout …
Mais en même
temps, je comprends tout à fait que le comité ait fini par se
résoudre à déterminer des critères de « brillance » plutôt que
de « rondeur ». Je sais qu’il reste encore quelques irréductibles
parmi les astronomes qui sont furieux que Pluton ait été déclassé
de son statut de planète et qui vont continuer à haranguer les
foules en leur assénant leurs complaintes, tandis que les autres les
écouteront sans doute en bâillant …
Des Plutoïdes ? Oui,
pourquoi pas … en fait, la plupart des astronomes ont déjà évolué
au-delà du débat sur Pluton et sur la sémantique qui lui est
associée. Si Pluton lui-même est heureux d’être un Plutoïde,
pourquoi le contrarier ?
Demandez
à la plupart des astronomes ce qu’ils pensent de la décision de
déclasser Pluton de son statut de planète à part entière pour en
faire une planète naine (sans oublier ma découverte d’Eris), ils
vous diront que ce n’est pas important, que c’est juste de la
sémantique, que ce débat a quelque chose d’excessif. Et puis ils
enchaîneront pendant trois heures pour vous expliquer pourquoi ils
ont raison et pourquoi les autres ont tort …
Je
ne ferai pas ça. Je ne vous dirai pas non plus pourquoi je pense –
ou pas – que Pluton et Eris « devraient » être des planètes. Ni
ce que je pense du terme « planète naine », ni du nouveau terme «
Plutoïde ». J’ai des opinions assez marquées sur tout ça et je
pourrais, moi aussi, remplir sans problème ces fameuses trois heures
à ergoter, parce que bien sûr, c’est moi qui ais raison et que
tous les autres ont tort ! A la place, je vais donc aborder des
questions qui me semblent beaucoup plus importantes, à savoir :
est-ce que tout ce débat est vraiment important, est-ce que ce n’est
« que » de la sémantique, qu’y-a-t-il dans un nom, est-ce
qu’une rose qui ne s’appellerait pas rose sentirait aussi bon
?
Commençons
par oublier que le mot planète a jamais existé et regardons plutôt
le système solaire avec des yeux neufs. Dans pratiquement tous les
cas auxquels je peux penser, la première chose que fait un
scientifique lorsqu’il commence à observer un nouveau groupe
d’objets, d’animaux, de comportements ou de phénomènes, c’est
de les classifier. La classification est à la racine de toute
arborescence scientifique. Sans classification, il n’y a que des
individus qui impliquent des explications et des théories
individuelles. C’est la classification qui nous permet de donner du
sens au monde qui nous entoure.
Dans
le monde animal, il est très aisé de penser par classifications
utiles : les animaux qui marchent versus ceux qui volent, versus ceux
qui nagent … etc … on peut commencer comme ça. Mais c’est
compter sans ceux qui arrivent ensuite et disent : et si on les
catégorisait en herbivores versus les carnivores, versus les
omnivores ? Pas de problème … en fait, dans ce domaine, les
systèmes de classification diffèrent tout simplement selon le
royaume animal que vous étudiez. Il y a aussi les animaux à plumes
versus ceux à poils, versus ceux à écailles. Les grands versus les
petits. Les mammifères versus les reptiles, versus les oiseaux. Les
possibilités sont infinies … qui a raison ? Ben, personne ne pose
jamais de question aussi stupide ! En fait, « la » question à se
poser est de savoir lesquelles d’entre elles sont utiles, celles
qui sont ne le sont pas, mais jamais de
laquelle il s’agit. Si vous êtes
un scientifique qui étudie la reproduction, rien ne vous empêche de
décider quelle catégorie importante pour
vous représentera les ovipares
versus celle qui porte ses enfants, tandis que tout près de vous
dans le même laboratoire, un spécialiste de la vocalisation se
portera sur les sons émis par les animaux. Et tous ces schémas de
catégorisation sont valables.
La
seule chose qui me paraît erronée en matière de catégorisations,
c’est d’élaborer leurs règles de fonctionnement et ensuite de
ne pas les suivre. Par exemple de ranger certains reptiles dans les
mammifères ou dans les oiseaux. Puis ensuite de déclarer que les
chats et les chiens se trouvent dans la famille des oiseaux. Là, le
système de classification est juste mais la catégorisation en
elle-même est erronée.
Revenons
au système solaire et cette fois, essayons d’oublier complètement
le mot « planète ». Si vous étudiiez le système solaire et qu’on
vous demandait de classifier les objets qui s’y trouvent, vous
auriez plusieurs possibilités à votre disposition : si c’était
sa composition qui vous intéressait, vous pourriez les catégoriser
en objets rocheux versus objets gazeux, versus objets de glace ; si
vous étiez intéressé par l’atmosphère, vous pourriez les
catégoriser en objets à atmosphère dense versus objets à
atmosphère légère, versus objets sans atmosphère ; si vous étiez
intéressés par les champs magnétiques, vous pourriez catégoriser
ceux qui en ont un versus ceux qui n’en ont pas.
Un
astronome qui regarde le système solaire au moyen d’un téléscope
a à l’esprit en termes de catégorisation quelque chose du genre :
il y a les objets qui sont assez grands et assez proches pour que
n’importe quel télescope puisse les capter, il y a ceux qui sont
petits, mais que les télescopes les plus grands du monde, tels que
celui de Hubble Space, peuvent capter et puis il y a ceux qui sont si
petits et si éloignés qu’ils n’apparaissent que comme de tout
petits points de lumière, quelque soit le télescope
utilisé.
Chaque
fois que je suis au départ d’un nouveau projet d’observation du
ciel, j’utilise explicitement cette classification-là.
Et
cette liste est sans fin.
Alors,
quel système de classification est correct en l’occurrence
?
Comme
pour la classification des espèces animales, cette question est en
fait complètement absurde, et personne ne la pose. En la matière,
il y a beaucoup de schémas de classification tout aussi bons et
utiles les uns que les autres. Et ils existent déjà. Donc, quand
l’Union Astronomique Internationale a soumis au vote la définition
du mot « planète », ce qu’elle faisait, ce n’était pas créer
une nouvelle classification, puisque ce système existait déjà. Ce
qu’elle faisait c’était seulement de décider dans quel système
de classification prééxistant
pouvait se ranger le mot magique « planète ».
Bien
qu’il y ait un nombre infini de systèmes de classification qu’on
puisse imaginer, au moment du débat sur le mot planète, seulement
deux furent avancés : le premier système de classification est
celui des objets ronds versus les objets qui ne le sont pas. Bien
qu’à première vue, ce système semble idiot et arbitraire, si on
le traduit par « géologiquement intéressant » versus « pas
intéressant géologiquement », il prend alors du sens (cet énoncé
a d’ailleurs été contesté par des myriades de scientifiques
planétaires qui étudient la géologie des objets non-ronds, mais je
crois cependant qu’ils pourraient tout à fait agréer la façon
dont j’aborde les choses ici). Un objet devient rond lorsqu’il
devient assez gros pour s’écraser sur lui-même grâce à sa
propre gravité. Cet écrasement implique potentiellement de très
intéressants processus géologiques, c’est pour ça que l’on
pense généralement que les objets ronds ont une géologie
intéressante, alors que les non-ronds n’en ont pas. En se fondant
sur des estimations raisonnables, on sait qu’il y a des centaines
d’objets de ce genre dans le système solaire et aucun astronome ne
pourrait (ou ne devrait, tout au moins) jamais contester que ce
schéma de classification est utile.
Le
second schéma de classification abordé était celui des grands
objets solitaires versus les collections de petits objets. Les objets
solitaires sont Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter, Saturne,
Uranus et Neptune. Les collections de petits objets incluent les
astéroïdes, principalement ceux situés entre Mars et Jupiter, les
objets de la ceinture de Kuiper, principalement ceux situés au-delà
de Neptune et d’autres « intrus » variés, comme les comètes.
Pour ceux qui s’intéressent à la formation et à l’architecture
des systèmes planétaires, cette classification divise les objets du
système solaire en différents groupes qui nécessitent différentes
explications (peut-être qu’un système meilleur serait de
subdiviser aussi les grands objets en sous-catégories : les objets
rocheux et les objets gazeux – ce qui demande donc d’utiliser des
théories séparées de formation). Là encore, aucun astronome ne
pourrait (ou ne devrait, tout au moins) jamais contester que ce
schéma de classification est utile …
A
l’heure actuelle, tout ce qui peut être pensé en matière de
catégorisation scientifique l’a été, et très correctement. Tout
ce qu’il reste à décider, c’est quelle catégorisation peut
utiliser le mot magique « planète ». En l’occurrence, il n’y a
absolument aucun argument scientifique
qui puisse trancher en faveur de telle ou telle catégorisation, et
je crois personnellement que les deux qui ont été discutées lors
du comité de l’Union Astronomique Internationale sont
valables.
La
plupart des astronomes sont passés à côté de ce point.
Quelques-uns d’entre eux continuent à attaquer ou à défendre la
définition du mot planète sur des bases scientifiques. Ce faisant,
ils tentent d’occulter ce qu’ils font vraiment, à savoir tenter
de prouver que l’un de ces deux systèmes est meilleur que l’autre.
Ils font preuve de peu d’intelligence et d’un vrai manque de
réflexion. Il y a même un symposium organisé cet été pour
discuter encore de la définition « scientifiquement correcte »
d’une planète, le sujet de conférence le plus infondé que je
puisse imaginer …
Alors
que va-t-on faire de çà sur un plan mondial, et surtout, est-ce
que c’est vraiment important ?
Je
dirais que oui, c’est important, et que même la résolution de ce
problème devient critique pour notre monde. Tandis que les
astronomes (de même que les astrologues dont je sais qu’ils me
lisent ici), ont à leur disposition une infinité de systèmes de
classification des objets du système solaire, alors que le public ne
dispose que d’un seul. Il y a des planètes, certes, mais il y a
aussi tout le reste. Alors si le public n’utilise qu’un seul
système de classification, lequel lui proposer ? Lequel rend le
mieux compte de la richesse et de la complexité du système solaire,
lequel lui parle le mieux de l’univers qui nous entoure avec un
seul mot ?
Je
préjuge de la réponse à cette question, mais ce n’est qu’un
présupposé. Vous en avez peut-être un vous-même, il est peut-être
différent du mien, alors, quand le moment vient de pratiquer la
science, il est toujours temps de revenir à la classification que
nous avions laissée de côté et qui est la plus utile pour résoudre
les problèmes que nous posons au moment où nous les posons.
Règles
de base pour débattre de la notion de planète
Samedi 26
juillet 2008
Voici
l'article que Mike Brown a entré dans son blog le 29 juin dernier,
proposant quelques règles de base pour continuer - et clore enfin !
- le débat sur la définition de la notion de planète puisque,
constate-t-il, alors que ce débat devrait être clos depuis
longtemps ... il se réanime régulièrement, faisant régresser dans
le même temps toute avancée possible de la réflexion sur le
"nouveau système solaire". Alors, puisqu'il empêche de
faire le pas suivant vers une meilleure compréhension de l'univers
qui nous entoure et donc de nous-même, il a choisi de proposer
quelques règles pour le mener à son terme.
La
semaine dernière, je vous ai parlé de l’importance de la
"catégorisation" et du fait qu’il n’existe pas qu’une
seule façon de faire des catégories.
Dans
le cas du système solaire, le débat est pratiquement clos sur le
fait qu’il faille utiliser une classification géologique
pour distinguer les planètes des non-planètes (si un objet est
assez gros pour être rond, c’est une planète – avec quelques
restrictions - et s’il ne l’est pas, ce n’est pas une planète)
ou bien utiliser une classification dynamique
(ou comme je préfère l’appeler, une population)
si un objet est assez gros pour être solitaire, c’est une planète,
s’il ne l’est pas et qu’il fait partie d’une population plus
grande, ce n’est pas une planète. La plus grande partie du débat
ayant porté sur des détails insignifiants et sur la façon dont on
pouvait nommer ces systèmes de classification. Plus précisément,
sur la marge à accepter en matière de "rondeur", sur le
fait que l’orbite de Neptune est croisée par celle de Pluton et de
beaucoup d’autres objets de la ceinture de Kuiper (* image en bas
de page) et encore sur le fait que toute dénomination – ou
définition – avait quelque chose de défectueux, de toutes
façons.
Ce
à quoi je voudrais répondre tout simplement : tout astronome qui
affirme que chacun de ces systèmes de classification est
fondamentalement faux ou n’a pas de sens propre, devrait jeter un
œil dans son télescope. Quand on se trouve face à deux systèmes
de classification aussi bons l’un que l’autre, comment un
scientifique peut-il honnêtement décider dans lequel il peut mettre
le mot "planète" ? En fait, il n’y a pas de réponse
"scientifique" à cette question, parce que la question en
elle-même n’est tout simplement pas scientifique.
Que
faire, alors ?
Selon
moi, une approche rationnelle serait de laisser la décision finale à
l’instance internationale qui ratifie officiellement les noms
donnés aux objets découverts dans l’espace (parce qu’elle est
majoritairement composée de non-scientifiques). L’Union
Astronomique Internationale serait sans doute la plus appropriée,
surtout parce qu’elle a accepté de soumettre au vote la définition
dynamique / population qui a abouti à la décision de retenir 8
planètes dans le système solaire.
J’approuve
cette décision et j’aurais aussi approuvé une décision de l’UAI
qui aurait défini les centaines d’objets ronds gravitant dans
l’espace comme des planètes (selon la définition
géologique).
Bien
sûr, j’ai des opinions personnelles. Je pense que la définition
dynamique est bien plus appropriée pour expliquer au public ce que
sont les grands objets les plus importants du système solaire ainsi
que leurs relations avec les vastes populations d’objets plus
petits (astéroïdes, comètes, objets de la ceinture de Kuiper). Et
je pense aussi que culturellement, un petit nombre (8) de repères
mentaux est plus efficace qu’un grand nombre (mettons 100). C’est
pourquoi je plaiderais (et plaide) fortement contre la définition
géologique. Mais je dois aussi faire et travailler avec.
Parce
que l’UAI a voté, le mot "planète" a été assigné à
une catégorie qui inclut les 8 objets les plus grands du système
solaire et je considère généralement que le débat sur Pluton (et
sur Eris) est clos. Je souhaite que nous avancions tous maintenant
au-delà et comprenions à quel point ces nouvelles découvertes ont
dépassé le seuil des "planètes" et ont changé notre
vision du système solaire et la façon dont nous le comprendrons à
l’avenir.
Mais
nous n’y arrivons pas … les débats continuent … et puisqu’il
en est ainsi … j’aimerais proposer ce qui suit :
Règles
de base pour débattre de la notion de planète
Scientifique
- Discuter des différentes façons possibles
pour catégoriser les objets du système solaire est intéressant.
Les catégories géologiques et dynamiques / population retiennent
toute l’attention, mais il y a beaucoup beaucoup d’autres façons
intéressantes d’envisager le système solaire.
-
Clamer qu’il y a des raisons
scientifiques pour que certains
d’entre ces objets méritent d’entrer dans la catégorie des
"planètes" devrait disqualifier de toute discussion
future ceux qui le prétendent, pour la raison qu’il ne s’agit
que d’un amalgame entre science et culture.
-
Proposer un système de classification qui prétend l’être pour
des raisons scientifiques, tout en étant complètement inconsistantes
(par exemple, voir la proposition originale de l’UAI à 12
planètes), devrait renvoyer les personnes concernées à l’école
pour un "soin" scientifique intense !
Culturel
- Discuter des avantages et des désavantages
culturels (éducatifs, émotionnels, etc …) du mot "planète"
appliqué aux différents systèmes de classification, est le débat
le plus important à tenir. Une fois que les catégories sont
définies, ce débat devient purement culturel, car les
scientifiques ont déjà apporté toutes les contributions
scientifiques possibles. Ils peuvent encore parler, bien sûr, mais
je ne suis pas sûr qu’ils puissent encore peser sur le débat, il
me semble qu’ils en ont fait le tour.
-
Il importe de discuter de la grande question de savoir si le mot
"planète" a besoin d’être appliqué à tous
les systèmes de classification scientifique. On pourrait par
exemple sortir des débats tout scientifique qui – même sur une
base culturelle – affirme qu’il y a 9 planètes dans le système
solaire sur la seule raison que c’est "comme ça et pas
autrement", sans se soucier de la science (comme certains l’ont
fait au moment de la discussion sur les "continents" de la
Terre).
Procédure
- Il y a beaucoup de questions intéressantes
à poser. Qui décide qu’on doit utiliser un mot ? Si on doit
partir sur des bases scientifiques, y a-t-il une bonne raison pour
que ce ne soit pas l’UAI qui prenne la décision ? Si on ne part
pas sur des bases scientifiques, est-ce que quelqu'un
existe pour prendre une telle décision ou doit-on s’en remettre à
la société toute entière qui graduellement, finirait par adopter
cette pratique ?
-
Toutes les déclarations trompeuses consécutives au vote de l’UAI
doivent être démenties. Oui, la procédure complète de l’UAI a
été foutue en l’air par ces déclarations abusives, quoiqu’il
en soit, je ne crois pas que l’on aboutisse à quelque chose de
tellement différent de ce vote en en rediscutant, quelles que
soient les personnes se trouvant en présence. Parce que les
vérifications effectuées après le vote de l’UAI – et il y en
a eu ! – ont montré que grand nombre d’astronomes pensaient que
la définition à 8 planètes était bonne. Donc, se plaindre du
vote de l’UAI équivaut à se revêtir du label "mal informé
sur ce que la plupart des astronomes pensent".
Je
suis certain que dans ce que j’avance ici, il y a des choses que
vous trouvez bonnes, d’autres moins. Alors bienvenue dans le débat
! Dans les semaines à venir, je l’étofferai encore et
j’apporterai aussi mes réponses à vos commentaires.
Qu'y-a-t'il
dans un nom ? (2)
Mercredi 30
juillet 2008
Le
13 juillet dernier, Mike Brown continuait dans son blog sa réflexion
sur la façon dont il choisit les noms des objets qu'il découvre
dans la ceinture de Kuiper et s'expliquait sur le choix de Makemake,
que l'Union Astronomique Internationale venait d'accepter pour le
"petit dernier" 2005FY9.
Tandis
qu’une rose qui porterait un tout autre nom sentirait certainement
tout aussi bon, l’objet/planète naine/Plutoïde de la ceinture de
Kuiper connu principalement sous la dénomination 2005FY9, exhale
pour moi maintenant un parfum encore plus agréable depuis que
l’Union Astronomique Internationale a enfin accepté la proposition
que nous lui avons faite il y a 6 mois de lui donner un nom qui lui
soit propre.
Extrait de la citation officielle de l’UAI
:
Makemake,
découvert le 31 mars 2005 par M.E. Brown, C.A. Trujillo et D.
Rabinowitz à l’observatoire de Paloma
Makemake
est le créateur de l’humanité et le dieu de la fertilié dans la
mythologie de l’île du Pacifique Sud Rapa Nui. Il était le chef
des dieux dans le culte Tanga manu de l’homme-oiseau et était
vénéré sous la forme d’oiseaux de mer, qui étaient son
incarnation. Son symbole matériel – un homme à tête d’oiseau –
est gravé sous forme de pétroglyphes sur l’île.
Trois
ans, c’est long pour ne porter qu’un nom fait de lettres et de
chiffres, ce qui fait que la plupart du temps, nous l’avons nommé
Easterbunny, parce que nous l’avons découvert quelques jours
seulement après Pâques 2005. Trois ans, c’est long pour se dire
qu’il faudrait ensuite l’appeler par son "vrai" nom,
qui est aujourd’hui Makemake. Mes étudiants, qui n’ont sans
doute pas encore entendu ce nouveau nom aujourd'hui, vont me regarder
avec l’air de ne rien comprendre, dodeliner de la tête et
m’ignorer, comme il le font souvent, quand je leur dis des choses
qui ne font pas sens pour eux (ce qui – me disent-ils régulièrement
– arrive à chacune de nos rencontres hebdomadaires !). Mais je
leur dirai que 2005FY9, aka Easterbunny, aka K50331A (le tout premier
nom qui fut assigné à Makemake par mon ordinateur une fois
que j’y ai entré l’information de sa découverte : 5 pour 2005 ;
3 pour mars ; 31 pour le jour ; A pour le premier objet découvert
cette année-là) ne sera plus appellé que Makemake, le chef des
dieux de la petite île du Pacifique, Rapa Nui.
Nous
faisons très attention à la façon dont nous "nommons"
les objets du système solaire. Nous avons choisi le nom de Quaoar
(force de création pour la tribu des Tongva qui vivent dans la
région de Los Angeles), d’Orcus (la contrepartie étrusque de
Pluton, pour un objet qui apparaît comme un jumeau de Pluton) Sedna
(la déesse Inuit de la mer, pour l’objet de la ceinture de Kuiper
le plus froid et le plus éloigné du Soleil aux confins de son
orbite), et Eris (la déesse grecque de la discorde et de la
contestation, pour l’objet qui a abouti au déclassement de Pluton
de son statut de planète). Chacun de ces noms est apparu après des
réflexions et des débats considérables, et chacun d’eux recouvre
aussi les caractéristiques physiques et astronomiques de ces corps,
qui nous semblent les plus appropriées pour les décrire.
C’est
pour Makemake qu’il fut le plus difficile de trouver un nom
permanent pour remplacer son surnom : Easterbunny. Orcus et Sedna
correspondent parfaitement au caractère des orbites de ces deux
corps. Eris était tellement approprié, qu’il me ferait croire à
l’astrologie. Et Quaoar était, pensions-nous, le meilleur hommage
possible au fait que, dans la culture mondiale, les déités
mythologiques ne sont évidemment pas uniquement grecques ou
romaines.
Mais qu’en était-il pour Easterbunny ? Son orbite
n’est pas particulièrement étrange, mais elle est grande. Elle
surpasse de 2/3 celle de Pluton. Et il est brillant. C’est
probablement l’objet le plus brillant de la ceinture de Kuiper, à
part Pluton lui-même. Par contre, Easterbunny n’a pas de
rapport objectif avec 2005FY9. Sa surface est couverte de glace de
méthane pratiquement pur, ce qui est fascinant scientifiquement
parlant, mais difficile à mettre en rapport avec la mythologie
terrestre. (A un moment, j’ai travaillé à le mettre en relation
avec les oracles de Delphes, parce que certaines personnes disaient
que l’état de transe des pythies était dû au gaz naturel
(méthane) qui s'échappe de terre à cet endroit. Et puis j’ai
fini par me dire que c’était idiot). Premier
round.
Ensuite, j’ai passé un certain temps à réfléchir
sur l’idée de Pâques et d'équinoxe reliée aux mythes, en
hommage à l’époque de la découverte. J’ai appris beaucoup de
choses sur le païen Eostre (ou Oestre ou Oster, parmi ses nombreuses
autres dénominations) dont Easter (Pâques) tire son nom, avant de
me rendre compte qu’un astéroïde porte déjà le nom de cette
déesse. Deuxième round.
Finalement, je me suis penché sur
les nombreux dieux Lapins (bunnys) existant. Le panthéon des Indiens
d’Amérique est peuplé de moult lièvres, qui s’appellent tout
simplement Lièvres, ou encore mieux "Gros Lapins". J’ai
aussi passé du temps à envisager "Manabozho", le dieu
lapin Algonquin des voleurs, mais je dois admettre que la partie
"Bozo" à la fin du nom ne m’attirait pas vraiment. Il y
a beaucoup d’autres dieux lapins, mais leurs noms ne me parlaient
pas du tout. Troisième round.
J’ai laissé tomber au bout
d’un an. De toutes façons, ça n’avait aucune importance réelle,
parce que l’UAI n’était pas en position de trancher à cette
époque, et j’attendais plutôt à ce moment-là qu’un nom soit
donné à 2003EL61, nom que j’avais proposé 18 mois avant.
A
Noël dernier, des bruits ont couru que l’UAI allait choisir
elle-même un nom pour 2005FY9, sans tenir compte de ce que les
découvreurs pouvaient en penser. On pourrait se dire que ça n’avait
finalement aucune importance et aussi que cela me soit égal ; il n’y
a pas vraiment de "science" dans le choix des noms des
objets célestes après tout, mais ça ne me plaisait pas tellement
que ce soit un comité qui décide du nom d’un objet que j’ai
découvert. Alors, je me suis remis au boulot.
Soudain, la
lumière s’est faite : l’île de Rapa Nui est venue à mon
esprit. Pourquoi n’y avais-je pas pensé avant ? Je ne connaissais
rien à la mythologie de cette île, donc je me suis mis à l’étudier
et c’est là que Makemake m’est apparu, le dieu des dieux, le
créateur de l’humanité et le dieu de la fertilité. C’est
surtout l’idée de fertilité qui m’intéressait dans la
mythologie de ce dieu, à cause du nombre d’objets que je
découvrais à cette époque et parce qu’Eris, Makemake et 2003EL61
furent découverts pendant la grossesse de ma femme (entre les 3 et 6
premiers mois). Makemake était la dernière de ces découvertes. Et
je me rappelle précisément du sentiment d’abondance fertile que
je ressentais se déverser de tout l’univers à cette époque. Et
Makemake en faisait partie.
Et Rapa Nui ? Elle fut visitée
pour la première fois par des européens le dimanche de Pâques
1722, précisément 283 ans avant la découverte de l’objet de la
ceinture de Kuiper connu maintenant sous le nom de Makemake. A cause
de cette première visite, l’île (qui est territoire chilien)
s’appelle de son nom espagnol Isla de Pasqua, de son nom anglais
Easter Island et de son nom français Île de Pâques.
Crédit
de l'image d'artiste représentant Makemake :Nasa
Le
grand débat sur la notion de planète n'a toujours pas eu lieu
Le 16
septembre 2008
Début
août, un nouveau débat de l'Union Astronomique Internationale a eu
lieu à Baltimore, afin de définir à nouveau la notion de planète.
Depuis août 2006, il était établi que le système solaire comptait
8 planètes principales et des planètes naines, catégorie dans
laquelle Pluton avait été entré et donc "déchu" de son
statut de planète à part entière - pour des raisons qui sont
exposées depuis le début dans ce chapitre de traductions des textes
de Mike Brown, l'astronome à l'origine de ce débat depuis sa
découverte d'objets gravitant dans la ceinture de Kuiper, comme
Pluton, et plus gros que lui, tel Eris.
Depuis
ce moment, face aux remous provoqués par le déclassement de Pluton,
Mike Brown plaide non pour s'en tenir à la définition à 8 planètes
adoptée par l'UAI en août 2006, mais pour qu'un vrai débat ait
lieu autour de cette redéfinition, basé sur des arguments à teneur
scientifique, et non émotionnelle (esthétique est le terme qu'il
emploie généralement pour en parler), comme ce fameux débat de
Baltimore le fut.
Vous
pouvez lire en anglais le texte que je traduis ici, dans le blog de
Mike Brown, en date du 17 août dernier :
Pour
résumer, rien n'est donc définitivement acquis pour l'instant dans
le domaine de la redéfinition de la notion de planète et la
discussion reste grande ouverte à tous les amateurs et à tous les
plus grands spécialistes en la matière, c'est ce qu'il convient de
tirer des dernières conclusions de l'UAI et du regard que le "grand"
Mike Brown porte sur elles en se faisant encore une fois avec
pertinence l'avocat du diable.
La
semaine dernière à Baltimore, à la conclusion de la conférence
sur les planètes et leur définition, deux astronomes ont fait volte
face sur ce qu’il est convenu d’appeler le « Grand Débat sur la
Notion de Planète ». Je n’ai pas pu assister à cette conférence,
et j’ai donc raté ce « débat », mais cependant, grâce à un
compte-rendu paru dans la presse et transmis par un des participants,
je peux déjà désigner un gagnant par défaut.
Comme
je l’ai déjà expliqué il y a quelques semaines dans ces pages,
la classification est une science importante qui n’est pas vraiment
sujette à débat. En conséquence, tout le monde arrive à se mettre
d’accord sur le nombre d’objets dynamiquement dominants dans le
système solaire. Tout le monde est capable de reconnaître ceux qui
sont ronds ou pas, ceux qui sont composés de roches, de gaz ou de
glace … Il n’y a pas matière à débat sur ces points, puisque
ce sont seulement des faits. Donc, si débat il doit y avoir, il ne
peut donc porter que sur ceci : lequel des différents systèmes de
classification majeurs faut-il utiliser pour pouvoir utiliser le mot
magique « planète » afin d’en décrire scientifiquement ses
membres ?
Mais
… selon ce fameux compte-rendu que j’ai lu dans la presse,
l’astronome qui argumentait contre la définition actuelle à 8
planètes, veut que l’on utilise maintenant une définition selon
laquelle tout objet rond du système solaire est une planète, et
qu’en fonction de ça, il devrait y avoir 13 planètes.
Je
dis STOP !
Du
jour au lendemain, tout ce qui est rond pourrait être une planète ?
et on pourrait aussi débattre de choses qui ne sont pas matière à
débat par essence ? Ce qui donne pour résultat que les « planètes
» seraient maintenant celles que l’on connaît et qui vont de
Mercure à Pluton, auxquelles on ajouterait le plus gros astéroïde
Cérès, le « compagnon » de Pluton, Charon, et mes deux dernières
découvertes : Eris et Makemake. Ce qui fait 13.
Sans
prendre en compte les opinions personnelles sur la question, ou se
soucier de savoir si cette cette définition convient objectivement
au mot planète ou pas, de toutes façons, le problème est
qu'utiliser cette approche, c’est pratiquer de la science de
mauvaise qualité.
Alors,
faisons le point : combien y-a-t-il d’objets ronds dans le
système solaire ?
Nous
n’avons pas encore la réponse à cette question, premièrement
parce que la plupart des objets de la ceinture de Kuiper sont
tellement éloignés qu’on ne peut pas voir exactement leur forme.
On sait effectivement que Pluton et Charon sont ronds, donc ils
entrent dans la catégorie des objets ronds. Mais pour l'instant, on
présume seulement qu’Eris est rond parce qu’il est plus massif
que Pluton. Quant à Makemake, il a été mesuré à peu près, mais
n’a pas encore de masse connue, - parce qu’il n’a pas de Lune
(et que c’est essentiellement grâce aux Lunes des objets célestes
que l’on peut mesurer leur masse) -, mais il est grand, donc
probablement massif aussi et probablement rond.
Donc,
qu’en est-il des autres objets de la ceinture de Kuiper ? On ne
peut pas les voir assez bien pour déterminer s’ils sont ronds ou
pas, mais on peut « estimer » la taille qu’un objet doit avoir
avant de pouvoir acquérir une forme ronde et par là-même, savoir
combien d’objets de la ceinture de Kuiper sont à peu près ronds.
Dans la ceinture d’astéroïdes il y a Cérès, dont on peut
établir qu’il a à peu près 900 kms de diamètre, ce qui est une
bonne limite basse de taille pour des objets rocheux comme les
astéroïdes. La glace, par contre, n’est pas aussi dure que le
roc, donc elle supporte beaucoup moins bien la force de gravité, en
conséquence de quoi elle dispose de beaucoup moins de force pour
devenir ronde. Pour estimer la taille que doit avoir un objet de
glace pour devenir rond, il faut regarder les satellites de glace des
planètes géantes. Le plus petit corps de glace dans ce domaine,
c’est Mimas, le satellite de Saturne, qui a un diamètre d’à peu
près 400 kms. Ceux de 200 kms n’arrivent jamais à être ronds.
Donc c’est quelque part entre 200 et 400 kms qu’un tel objet peut
devenir rond. Des objets faits de beaucoup de glace deviennent ronds
à de petites tailles et certains, contenant peu de roc, peuvent être
plus grands. En tout cas, on peut honnêtement poser 400 kms comme
limite basse raisonnable et arriver à la conclusion que tout objet
plus grand que 400 kms de diamètre gravitant dans la ceinture de
Kuiper est sans doute rond.
Nous
y voilà : combien d’objets plus grands que 400 kms de diamètre se
trouvent-ils dans la ceinture de Kuiper ? Il est impossible de
répondre à cette question précisément, parce que nous ne
connaissons pas la taille de plus de quelques-uns de ces objets pour
l’instant, mais on peut quand même faire une évaluation
raisonnable en se basant sur le fait que les petits objets typiques
de la ceinture de Kuiper reflètent 10% de la lumière du soleil qui
frappe leur surface. Ainsi, on connaît la luminosité d’un objet
de 400 kms de large, donc on peut utiliser cette donnée pour les
mesurer. Ce qui fait qu’a priori, il y aurait 60 objets de cette
taille - ou plus larges - dans la ceinture de Kuiper (dont Pluton,
Eris et Makemake), et un (Sedna) dans la région située au-delà de
la ceinture de Kuiper.
Et
ce n’est pas tout. Notre meilleure estimation nous porte à penser
que l’exploration complète de cette région du système solaire
doublerait ce chiffre. Pour l’instant, le nombre d’objets ronds
du système solaire est de 70 – avec les « planètes » - mais ce
nombre augmentera énormément quand l’observation de la ceinture
de Kuiper sera terminée. Et
puis, au-delà de la ceinture de Kuiper il peut y avoir encore plus
de planètes naines que dedans, nous estimons donc pour l’instant
leur nombre à 2000 objets ronds dans le secteur où gravite
Sedna.
Alors
compte tenu de tous ces éléments, la victoire du « grand débat
sur la définition de la notion de planète » va raisonnablement par
défaut au camp qui en compte seulement 8. Qu’on apprécie ou non
l’esthétique du camp à 8 planètes, on est obligatoirement
contraint à disqualifier le camp « tout ce qui est rond est une
planète » parce qu’il dénature complètement ses propres schémas
de classification scientifiques. Je ne dis pas bien sûr – et
j’insiste sur ce point – que le système de classification à 8
planètes est meilleur que celui qui aboutit à en compter 70 et sans
doute beaucoup plus dans l’avenir. Tout ce que je dis c’est qu’il
est impossible de discuter du bien fondé de la définition à 8
planètes, tant que la définition à 13 est basée sur une
classification scientifique erronée.
Comment
cette erreur fondamentale a pu être commise ? Si on croit à
l’importance primordiale des objets ronds, on se doit pour le moins
de faire l’effort de comprendre comment et pourquoi ce qui est rond
l’est, ou ne l’est pas. En fait, j’ai comme l’impression –
et certains pourraient me traiter de paranoïaque en la matière ! –
que tout cela a été fait exprès. Il est évident que l’astronome
qui défend la définition « tout ce qui est rond est une planète »
sait parfaitement qu’il y a bien plus que 13 objets ronds dans le
système solaire. Alors pourquoi prétend-il que ce n’est pas le
cas ? Je suspecte que c’est parce que tout simplement, un chiffre
comme 13 passe beaucoup mieux qu’un chiffre comme 70, que personne
ne pourrait avaler. Parce que de vilains astronomes un peu « cheaps
» ont été très méchants avec les 4 objets exclus dans la
définition à 8 planètes ! Et puis, plaider pour 70 planètes,
c’est se positionner en extrémiste, et ce n’est pas immaginable
…
Au
bout du compte, si on s’en donne vraiment la peine, il y a aussi de
très bons arguments esthétiques pour défendre une définition à
70 planètes, alors pourquoi pas ? Il suffit juste de s’en donner
la peine … Il faudrait l’avoir vraiment ce débat, ce serait
intéressant … mais il n’a toujours pas eu lieu … En tout cas,
il faut arrêter de pratiquer une science de mauvaise qualité, et
surtout de le faire exprès.